mardi, septembre 15, 2009

La démocratie selon la forme et le fond

Même pour le sujets passionnés, on peut être assez fin et lucide pour être capable de renverser son jugement selon la forme et le fond, n'est-ce pas ?
Essayons !

Sur le fond, la loi votée en 2007, même rectifiée par le Conseil Constitutionnel, et qui prescrit l'effectuation de tests ADN pour vérifier la légitimité des demandes d'immigration pour regroupement familial, est détestable. Elle est humiliante en ce qu'elle réduit une réalité culturelle – la famille –, à une réalité naturelle – des caractères génétiques. Et la négation de la dimension culturelle des comportements humains est toujours une insulte à la dignité de l'homme. Traiter la déclaration de liens familiaux par les tests ADN, c'est traiter des hommes comme des bestiaux.

Sur la forme, la déclaration du ministre Besson qu'il n'appliquera pas la loi votée parce que (je cite) "ma thèse c'est que nous n'en n'avons pas besoin" est scandaleuse. Tout simplement parce qu'il s'agit d'une loi votée, adoptée, par les représentants du peuple. Sa thèse n'a plus aucune pertinence. En tant que ministre il n'a qu'une chose à faire : rendre applicable la loi votée ; et si elle pose des problèmes techniques, soit il les résout au moyen des décrets d'application, soit il la renvoie au parlement pour que les députés votent une loi viable.

Ces deux faits – une loi indigne votée par les représentants du peuple et le comportement anti-républicain d'un ministre – bien que contradictoires concrètement, sont liés en profondeur en ce qu'ils expriment le même problème de notre démocratie.

C'est un problème pour la démocratie qu'une telle la loi soit votée, alors qu'elle est en contradiction avec les principes fondateurs de la République, par ailleurs présents dans sa Constitution, sans que le Conseil Constitutionnel la censure dans son principe, et que de surcroît elle provoque un fort mouvement de résistance dans l'opinion.

C'est un problème pour la démocratie qu'un ministre de la République croie si peu au caractère impératif des lois votées par le Parlement, qu'il en rejette une en s'appuyant tout bonnement sur son point de vue – "ma thèse c'est que ..." – se comportant comme si la démocratie était un leurre et qu'il ne faisait qu'opposer son choix à un autre choix particulier. Peut-on être ministre et à ce point désabusé que l'on puisse réduire l'État à un champ d'opposition de points de vue particuliers ?

Il y a effectivement un lien entre le vote d'une loi choquante du point de vue des valeurs fondamentales qui fondent le consensus social et la négligence des règles de la République par le ministre. Mieux, on peut créditer le ministre d'un comportement vertueux en ce qu'il fait barrage à l'application d'une loi scélérate. Mais dans l'histoire sont foulées au pied d'une part les valeurs les plus fondamentales de la société, d'autre part les règles essentielles du fonctionnement de la République.

Pour conclure ne peut-on pas considérer que cette opposition entre la forme et le fond d'une loi n'est possible que s'il n'y a pas démocratie effective ?

samedi, février 21, 2009

Le sarkozysme ? Que du bonheur ... hélas !

«... il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur.» Alexis de Tocqueville

Crise, il y a. On nous le dit assez.
Mais ce que crie la crise, ce n'est pas tant l'insuffisance du pouvoir d'achat (qu'ils aimeraient qu'on ne se soucie que de notre pouvoir d'achat !), c'est le caractère intolérable de l'état d'injustice.

Je soutiens que les mouvements sociaux actuels sont d'abord des mouvements contre l'injustice. Et par suite contre le mépris dans lequel est tenue la revendication de justice.

Les gouvernants nous proposent du pain et des jeux – le bonheur quoi ! Nous voulons du pain et de la justice. .... Non ! De la justice et du pain, de la dignité et du pain.

Le sakorzysme : détourner de l'exigence de justice par le bonheur.

On est bien d'accord, le bonheur n'existe pas, et n'existera pas. Le bonheur, c'est d'abord un imaginaire qui nous délivre de la réalité insatisfaisante.

La politique de Sarkozy : faire signe à cet imaginaire pour désamorcer les situations de crise sociale. Si elle est sommée de tenir compte de l'exigence de justice, ce n'est que pour la renvoyer au calendes grecques. Et pour bien verrouiller ce renvoi, elle prend soin de monter une usine à gaz, certes impressionnante, mais qui ne fonctionnera certainement pas quand l'intérêt collectif aura pu être aiguillé ailleurs. Cf la procédure pour la redistribution des profits ou les états généraux pour les Antilles.

Donnons-leur juste ce qu'il faut – mais ce qu'il faut quand même – de signes de bonheur. Pour les récalcitrants, les accros de la revendication, renvoyons-les dans l'avenir, promettons. L'essentiel est qu'ils perdent le bénéfice de l'énergie populaire, parce qu'elle s'intéresse à ces signes de bonheur, à ses "cadeaux". Car en temps de crise on ne maîtrise plus la communication. Et ça, c'est le pire. Il faut tout faire pour retrouver la main. Alors on pourra gérer les promesses comme on sait si bien le faire, en lançant des fumigènes (maintenant les fumigènes ne marchent plus, le dernier – réforme du régime parental – a fait flop ; nous voici dans un temps où c'est Sarkozy qui courre après les problèmes posés par les autres) .

Mais, au présent, face à un état d'injustice intolérable, il faut éviter l'embrasement social, il faut jeter des miettes de bonheur : une prime par-ci, une exonération par-là. Tout cela se range dans la rubrique "cadeaux", n'est-ce pas ? Et les cadeaux font partie intégrante de l'imaginaire du bonheur. Mais les cadeaux, c'est tout le contraire de ce qui est requis par l'exigence de justice : une règle qui s'impose à tous, et de la même manière, telle une loi qui redistribuerait les revenus, ou une loi qui prémunirait contre tel circuit pompe-à-fric qui assèche les plus vulnérables (sur l'approvisionnement en énergie, sur le logement, par exemple).

Ne pas payer une tranche d'impôt, c'est certes du bonheur. Mais après ? Et bien ça continue comme avant !
Payer ses impôts, cela devrait être un acte de justice ... si l'impôt était juste.

Et si les cadeaux du prince, c'était aussi une expression de son mépris ? Le mépris que l'on porte à celui sur lequel on se donne un droit d'injustice ?

Et si la crise n'était qu'accessoirement une crise des revenus de financiers, si elle s'approfondissait en crise des valeurs : les craquelures d'un monde du bonheur sous l'exigence de justice ?

On va se confier cette hypothèse entre nous, et continuer à regarder bavasser sur le moment de sortie de crise ceux qui n'attendent que de pouvoir recommencer comme avant.