lundi, novembre 26, 2012

Le mariage homosexuel, une avancée ?


Le mariage homo ne peut concerner qu'une très infime partie de la population. Déjà qu'on se marie beaucoup moins en général, et de manière le plus souvent inconséquente ...
Par contre il est possible que l'impact culturel de cette "avancée" concerne tout le monde.
Il ne peut y avoir d'enfant "b i o l o g i q u e" possible pour un couple d'homosexuel(le)s. La reconnaissance institutionnelle de leur droit à avoir des enfants ne va-t-elle pas banaliser l'existence d'un marché de la parentalité ?
Il y a déjà un marché international de l'adoption . Celui-ci ne va-t-il pas s'en trouver renforcé, étendu, légitimé même ? De même les marchés des mères porteuses, du sperme en banque, et de toute cette médecine nouvelle avide de nouveaux débouchés qui transfère, implante des fœtus, féconde en éprouvette, apparie les gènes à sa guise ?

Il faut peut-être remarquer que désolidariser la parentalité comme forme de relation civile de son sens biologique est prendre, socialement, un certain risque car l’enfant ne peut pas ne pas être confronté à l’inadéquation entre son cadre parental déclaré et son origine biologique.

Le sens fondamental de la parentalité est, et sera toujours (tant qu’on n’aura pas été "transhumanisé"), biologique. En effet c'est, par excellence, la notion de parentalité (ou de filiation), qui porte la pensée de notre lien à l'ordre biologique. C'est pourquoi la filiation se cherche dans les traits morphologiques, physiologiques, psychologiques.  Déjà étendre la parentalité à l’adoption n’a jamais été de soi ; c’est pour cela que le langage populaire parle plus volontiers de parents adoptifs/enfant adopté, que de parents/enfant en ce cas. Ne faudrait-il pas admettre tout simplement que la parentalité en cadre homosexuel n’est pas une réalité mais un fantasme ? Il faudrait alors distinguer ce fantasme – impossible à faire coïncider avec la réalité – avec le désir, tout-à-fait réaliste, d’éducation de l’enfant, et même dès son plus jeune âge, par un ou des adultes qui ne peuvent avoir d’enfants du fait de leur orientation sexuelle.
Il faut rappeler que l'homme est un animal culturel, cela veut dire que l'essentiel de l'apport d'une génération à  la suivante, c'est la transmission du monde humain, laquelle se fait par éducation. Toute société à un nom pour ce rôle d’éducateur privilégié mais non parent : le parrainage (parrain/marraine).
Quelle est la différence avec l’adoption dans le cadre du mariage homosexuel ? Tout simplement, on ne fait pas comme si – comme s’il s’agissait de son enfant ; on ne met pas l’enfant dans une fiction première qui pourra être durement vécue comme un mensonge.

Ce n’est peut être pas dans le rôle de l'État de faire droit aux fantasmes des uns et des autres ; comme celui des homosexuels qui se veulent parents, ou celui des transsexuels qui se veulent de l’autre sexe. Par contre, il est de son devoir que ceux-ci trouvent leur place dans la société tels qu’ils sont. Et un critère majeur de cette pleine tolérance, c’est qu’ils ne soient pas exclus de ce lieu privilégié de la vie sociale qu’est la relation éducative à l’enfant.

D'autre part, c’est bien la fonction que s’est donné le monde marchand de fournir les produits qui vont permettre à chacun de « réaliser » ses fantasmes (les guillemets parce que ce réel implique quand même une dose d’imaginaire). C’est pourquoi le pouvoir marchand est certainement très intéressé par le mariage des homosexuels, comme par le droit au changement de genre des transsexuels.

 Lorsque sur les écrans de télévision de tout le monde, apparaissent deux personnes de même sexe qui, dans de beaux habits, s'embrassent sur la bouche sur fond d'une scintillante fête de mariage, la plupart éprouvent un sentiment de gêne face à cette scène d'une orientation sexuelle que leur corps rejette, mais ils sont capables aussi de prendre du recul et de se dire : "Qu'ils vivent une belle histoire et soient heureux !" Par contre, l'apparition répétée et complaisante de cette mise scène sur les médias peut être réprouvée pour un autre motif : elle est le symbole que l'adoption et la procréation artificialisée ne sont plus des remèdes à des situations exceptionnelles (et qu'il faut le plus possible éviter par prévention), mais découlent nécessairement de la loi – elles sont en quelque sorte partie intégrante de la fête de mariage, elles sont en quelque sorte fêtées aussi.

La mise en scène du mariage homosexuel sur les médias peut être interprétée comme la légitimation symbolique de la parentalité monnayable.

Il n'est donc pas bon d'écrire, comme Cécile Duflot dans Libération, que
"Ceux qui prétendent condamner le mariage pour tous sans condamner l’homosexualité sont incohérents. Ils doivent reconnaître qu’ils défendent au fond le maintien d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, en réservant le mariage aux seuls hétérosexuels. Défendant cette position, ils doivent avoir conscience qu’ils frappent l’homosexualité d’illégitimité."
car c'est se mettre dans la logique partisane trop connue pour laquelle celui qui n'est pas tout pour est tout contre. C'est une logique qui paralyse la réflexion !
Or, il se trouve que le couple homosexuel est, depuis 15 ans, parfaitement légitime en droit français et que cette légitimité ne fait pas problème dans la société (grâce au PACS).
On peut reconnaître l'homosexualité, on peut reconnaître un statut civil aux couples homosexuels, et les droits qui vont avec, et s'interroger sur le sens profond du nouveau pas que constituerait le mariage.

On peut alors y voir une belle ouverture pour le système marchand, lequel, par nature, a toujours besoin de s'étendre, et donc une belle avancée pour ceux qui planifient l'extension de la logique de la marchandise à des réalités pour lesquelles il y a encore de très fortes résistances culturelles : celles de la vie – et en particulier en son point focal : la procréation.