mardi, janvier 17, 2023

L’humanisme est-il dépassé ?



L’humain se trouve aujourd’hui dotés de pouvoirs potentiels vertigineux, dont il n’avait jamais eu l’idée auparavant, ne serait-ce que rêvée : la puissance de calcul des ordinateurs, la rapidité et la facilité de la communication numérique, l’intelligence artificielle, la réparabilité de son organisme, la maîtrise du génome du vivant, l’ouverture à une aventure spatiale qui semble illimitée.
Mais, par ailleurs, l’humain apparaît totalement impuissant à maîtriser la dégradation accélérée de la biosphère – cette mince pellicule d’efflorescence du vivant à la surface de la planète Terre – dont il est inévitablement dépendant pour l’entretien et la reproduction de sa vie.
Doit-il toujours se considérer comme la valeur principale en fonction de laquelle, il doit orienter ses comportements – ce qui est une définition minimale de l’humanisme ? Ou doit-il viser au-delà de lui-même, du côté de cette biosphère qui a un pressant besoin d’être régénérée ? Ou bien du côté opposé, celui d’une surenchère d’artifices techniques qui lui permettrait, quitte à dévoyer son humanité, de garder la main sur son devenir malgré la détérioration de son environnement naturel ?
L’humanisme est-il encore pertinent ? Est-il déjà dépassé ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord éclairer cette notion d’humanisme. Pour le moment on sait qu’elle consiste à donner la plus grande valeur à l’humain. Quel serait cette valeur propre à l’humain qui mériterait qu’on en fasse le guide ultime de notre comportement ?
 

Une tromperie sur l’humanisme

 
On trouve très souvent, comme clé de compréhension de l’humanisme, la référence à la citation du Sophiste Protagoras, transmise par Platon (par exemple Wikipedia) : « L'homme est la mesure de toute chose ». Cette formule semble en effet affirmer que tout ce qui est n’existe qu’en fonction l’humanité ; et donc que l’humain est bien la valeur essentielle. Mais il faut regarder à la justification. Protagoras précise ainsi sa proposition : « … chacun de nous est la mesure de ce qui est et de ce qui n'est pas, (…) un homme diffère infiniment d'un autre précisément en ce que les choses sont et paraissent autres à celui-ci, et autres à celui-là. » (Platon, Théétète 166d)
Il y a ici une vision du monde très simple : toute la réalité est dans l’apparence. Il n’y a pas d’être stable caché derrière la multiplicité des apparences. Et comme les apparences sont ce qu’il y a de plus variable, les choses sont toujours différentes, non seulement entre l’espèce humaine et les autres espèces, mais aussi entre chaque homme, et même entre chaque perception d’un même homme. C’est là faire reposer toute connaissance sur les sensations ; on appelle cette doctrine le sensualisme. Mais dès lors tout est relatif puisque nos sensations ne sont jamais les mêmes. Protagoras, il y a déjà vingt-cinq siècles, tirait toutes les conséquences de ce sensualisme. Il ne saurait y avoir de vérité partagée, et encore moins universelle. À chacun sa vérité changeante.
Alors, en conséquence, chacun ne peut être qu’amené à faire valoir la vérité qui l’arrange. Tel est l’« humanisme » tiré de la sophistique qu’ont développé des penseurs dès la fin du XIXe : est vrai ce qui m’est avantageux. C’est ainsi que Nietzsche, en réalité le plus influent discoureur antihumaniste de notre temps, mettait au cœur de son anthropologie « la volonté de puissance », ce qui l’amenait à considérer que le vrai, pour chacun, est ce qui le rend plus fort. On peut considérer Nietzsche comme le principal promoteur d’une néo-sophistique propre à notre époque.
Ce pseudo-humanisme se retrouve en faveur aujourd’hui parce qu’il est en harmonie avec la vision du monde promue par la société industrialo-marchande. L’essentiel dans la vie serait de réussir. Est donc vraie toute proposition qui concourt à ma réussite. Et la réussite se mesure à sa capacité de collecter des sensations bonnes, essentiellement par la consommation ; et cette capacité est gagnée en accumulant de la capacité financière – du « fric » ! C’est la version contemporaine de la formule sophiste « Est vrai ce qui m’est avantageux. »
Pourtant dans ces frénésies de consommation (comme lors de l’ouverture des soldes), nous sentons-nous dans une atmosphère d’humanisme ? Ou plutôt de bestialité ?
Si l’on accepte cette primauté de l’expérience sensible, ne faut-il pas admettre que les Sophistes ont raison ? Que l’« homme-mesure-de-toutes-choses » exprime l’anthropologie juste ? Mais on voit tout de suite le paradoxe : que peuvent valoir des propositions comme « Les Sophistes ont raison », « Toutes nos connaissances reposent sur l’expérience sensible » ou « L'homme est la mesure de toutes choses » dans le contexte d’une pensée qui exclut toute vérité universelle ? Socrate a beau jeu de répondre (par la plume de Platon) : « Protagoras (…) admettant comme il le fait que l'opinion de chacun est vraie, doit reconnaître la vérité de ce que croient ses opposants de sa propre croyance lorsqu'ils pensent qu'elle est fausse » (Platon, Théétète 170a). Car s’il n’y a pas de vérité absolue, il n’y a que des opinions relatives.
Mais dès lors, le langage perd sa capacité de nous parler d’un monde partagé, il est disqualifié dans sa fonction essentielle qui est de désignation. On est toujours ébahi et désolé lorsqu’on entend des interlocuteurs, souvent imbus de philosophie contemporaine, nous affirmer, très fiers de leur audace, que « La vérité, ça n’existe pas ! ». Il est sûr qu’il n’y a là plus rien à débattre, on eût simplement aimé, pour eux, qu’ils se soient tus. Au fond, la doctrine des Sophistes tue le langage. Or, il faut admettre que le langage humain, qui n’a rien de naturel puisqu’il n’a été rendu possible que par le détournement de fonctions naturelles, est la plus belle création de l’humanité. Et pourquoi ? Parce qu’elle donne ce monde commun hors duquel les hommes ne pourraient jamais s’accorder.
C’est pourquoi le discrédit du langage, tel que l’implique la sophistique, nous met en risque d’une violence généralisée dans la vie sociale. Puisqu’il n’y a pas de vérité sur laquelle on peut se mette d’accord, il n’y a plus qu’à faire triompher la vérité qui nous arrange, et donc à vaincre dans l’affrontement des intérêts particuliers – les trumpistes qui déboulent sur le Capitole, ou les Bolsonaristes à Brasilia. Cette tendance aux fake news, cette apparition de la « post-vérité », sont dans la logique du développement d’une nouvelle sophistique, proprement contemporaine, consubstantielle à la société fondée sur la prospérité de la marchandise par la compétition généralisée pour la puissance de consommer – ce que l’on peut appeler une société mercatocratique.
La phrase de Protagoras – « L’homme est la mesure de toutes choses » – ne se réfère pas à un humanisme, quoique nos dirigeants au service de la croissance économique aimeraient nous le faire croire, mais à son contraire, à un bestialisme.
 

À la recherche d’un humanisme contemporain

 
Y a-t-il encore un espace pour valoriser l’humanité en ses qualités propres dans le champ idéologique aujourd’hui ? En effet un tel espace semble être de plus en plus envahi par des idéologies qui récusent qu’une valeur privilégiée soit reconnue à l’humain.
D’un côté, le transhumanisme prétend régler tous les problèmes humains par le développement de domaines scientifiques récents dont les potentialités apparaissent à certains illimitées – nanotechnologies, biotechnologies, informatique, intelligence artificielle et sciences cognitives. L’idée est que les techniques que l’ont pourrait tirer de ces sciences permettraient d’exonérer les humains des limites liées depuis toujours à la condition humaine, en particulier la mortalité de l’individu au bout de quelque décennies – c’est ce qu’on appelle le passage au « post-humain » !
De l’autre côté, celui de l’écologisme, se popularise de plus en plus l’idée que l’espèce humaine doit reconnaître qu’elle n’est qu’une espèce vivante parmi d’innombrables autres, et qu’elle n’a aucune légitimité à s’attribuer une valeur prioritaire par laquelle elle s’autoriserait à asservir comme simple moyen, ou à supprimer, toute autre espèce.
Cet assèchement du champ de l’humanisme par deux points de fuite opposés est un phénomène récent ! Encore dans la dernière décennie du XXe siècle, la croyance en la valeur de l’homme allait de soi.
Elle avait deux piliers : un pilier qui s’était constitué en Occident, au sortir de la Renaissance, et qu’on peut appeler l’humanisme moderniste. Appuyé sur la raison humaine, se nourrissant du développement conjugué des sciences et des techniques, cet humanisme donnait pour sens à l’aventure humaine celui d’un progrès indéfini dans l’histoire, réalisé pour les hommes, par les hommes.
Mais il a été douché froid, très très froid, par la mise en échec délibérée, par des entreprises majeures du secteur énergétique, de la politique internationale pour enrayer l’amorce d’un dérèglement climatique par l’excès d’émissions carbonées dû aux activités humaines, au tournant des années 2000 (échec de la mise en œuvre de la Convention internationale de Kyoto de 1997).
L’autre pilier, était ce qu’on pourrait appeler l’Humanisme « droit-de-l’hommiste »
Il a son origine dans la reconnaissance politique, au XVIIIe, de l’égalité de valeur des humains libres et rationnels par la Déclaration d'indépendance des États-Unis (1776) et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par l’Assemblée constituante française de 1789. Il a semblé en voie de destruction par les totalitarismes du XXe. Mais il a été rétabli avec la plus grande fermeté à la Libération par la Déclaration universelle des droits de l'Homme de l’ONU (1948) et réitéré plus récemment dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (2000). Il s’est en tout cas montré assez solide pour permettre la libération des peuples d’Europe de l’Est du totalitarisme soviétique à la fin des années 80. Mais il est constamment mis à mal depuis le début de ce siècle : attentats du 11 septembre et terrorisme islamiste, échec des mouvements de libération arabes de 2011 ; montée en puissance des autocraties nationalistes ; démocraties très anciennes malmenées par des factions populistes, guerres, etc.
Il reste que nous sommes dans une société qui préserve la possibilité de discuter librement des valeurs en fonction desquelles nous voulons vivre. Qu’est-ce qui freine aujourd’hui notre capacité à concevoir un humanisme adapté à notre condition présente, c’est-à-dire en cherchant une voie pleinement humaine entre les mirages transhumanistes, et les impuissances écologistes ?
 

Le formatage mercatocratique des consciences

 
L’humanisme est une idéologie au sens où il porte une vision du monde qui vise à s’imposer dans la société pour en orienter le cours. Rappelons qu’une idéologie n’est pas de la manipulation lorsqu’elle est réfléchie et adoptée consciemment. Un humanisme adapté à notre monde doit donc avoir la puissance de s’imposer largement dans la société.
Si la vision du monde néo-sophistique a fini par s’imposer pour le plus grand nombre comme allant de soi, c’est dans la mesure où, par intention délibérée du pouvoir social, elle est massivement diffusée de manière manipulatoire à travers un mode de communication de masse. La manipulation consiste à inonder de messages de propagande (commerciale ou autre) qui privilégient des modes de comportements comme allant de soi. Avec pour résultat que s’impose subrepticement une vision du monde néo-sophistique qui imprime dans la conscience certaines valeurs, en excluant d’autres. Ce qui se traduit concrètement par une normalité suivant laquelle il est consensuel de choisir certains comportements plutôt que d’autres.
Or une telle vision du monde, qui vise à cantonner chaque être humain dans le statut de travailleur-consommateur qui ne voit pas plus loin que la perspective de sa prochaine consommation, promeut en réalité une figure de l’humanité déclassée, en ce qu’elle privilégie en chacun ce qui  l’infantilise : la compétition pour l’accaparement des biens, et le sens de la vie dans l’accumulation des plaisirs de consommation.
Ainsi la valeur de l’humain est de tous côtés remise en cause. Au présent, l’humain étouffe dans les ronciers de la société de consommation. Alors que son horizon d’avenir est obstrué à la fois par les mirages du transhumanisme, et par l’auto-dépréciation propre à la pensée écologiste dominante.
La flamme de la croyance de l’humanité en sa propre valeur se serait-elle éteinte en cette troisième décennie du XXIe siècle ?
 

Résilience de l’humanisme

 
Bien sûr que non !
Il ne faut pas prendre la teneur des discours omniprésents dans les médias dominants et l’espace public pour la pensée des gens. Cela peut mieux se dire : il ne faut pas confondre l’opinion publique avec la conscience collective.
Nous savons comment se façonne l’opinion publique. D’abord par la réitération massive de messages simples dans la société de manière à ce que leur omniprésence leur donne la légitimité de l’évidence. Ensuite par la technique du sondage d’opinion qui consiste à isoler l’individu sondé face au sondeur, lequel déroule une série de questions fermées (quelques réponses possibles seulement, le plus souvent deux : oui/non) auxquelles il est sommé de répondre instantanément, sur des sujets qui, tous, donnent matière à réflexion, et pour lesquels, ne pouvant réfléchir de façon nuancée, il a tendance à donner la réponse la plus facile : la réponse conforme. Mais réunissez quelques citoyens, et donnez-leur les conditions pour réfléchir posément : ils ne répondront plus du tout de la même manière – ce qu’a bien illustré la « Convention citoyenne sur le climat » de 2019.
D’ailleurs, cet humanisme implicite de la société se remarque de mille manières – sa répugnance à jeter des objets qui expriment un haut degré d’investissement humain, son souci des manières de civilités et en particulier des mots de politesse, son malaise face à la diffusion débridée de la pornographie, son attachement à conserver et transmettre les belles œuvres, son empathie et aide spontanée pour les personnes en situation de vulnérabilité (et, si ce n’est le cas, la mauvaise conscience), etc. George Orwell avait thématisé cet humanisme populaire avec la notion de « common decency » qu’on peut traduire par « bienséance commune », et qui signifie que les milieux populaires, en sens contraire des tendances du monde marchand, restent attachés à des principes de comportement qui entretiennent le respect et la confiance en la personne humaine : savoir se rendre des services, anticiper les problèmes du voisin plus vulnérable, partager plutôt que jeter, etc. Nous voulons dire que, même si cela est soigneusement escamoté, la sagesse est du côté des gens, des gens de peu, et pas du tout du côté des puissants. Et quand nous parlons de sagesse, nous nous référons aussi aux « humanités », ces retrouvailles avec les textes antiques, au XVe siècle à Florence qui mettaient en valeur la capacité de comportement raisonnable des hommes – je pense en particulier aux philosophies très populaires dans l’époque pré-chrétienne que furent les doctrines, cynique, stoïcienne et épicurienne.
Une occurrence récente a fait réapparaître de manière saisissante cet humanisme populaire dans la vie sociale. C’est l’épisode du confinement strict du printemps 2020. Spontanément les gens ont manifesté (tous les soirs aux fenêtres et balcons) leur solidarité avec les soignants au front de la lutte contre l’épidémie. Cette solidarité s’étendait aussi aux mobilisés indispensables de la seconde ligne, comme les employés de magasins vivriers ou les agents mobilisés pour la sécurité, etc. Cet humanisme spontané se retrouvait également dans les offres de créations sur internet, par des artistes, insouciantes des questions de contrats ou de droits, et par leur partage. On a même largement exprimé collectivement cette aspiration humaniste en se retrouvant et échangeant de toutes parts autour de la question sur ce que pourrait être le monde d’après !
A été mise au jour lors du confinement de 2020 une société généreuse et fraternelle. Sa possibilité ne sera pas oubliée. Nous avons désormais que nous avons une base collective pour penser un avenir qui nous permettrait de valoriser notre humanité.
 

Possibilité humaniste d’investir l’avenir

 
Cet humanisme dont nous avons vu la floraison surprenante lors du confinement – toute une population qui applaudit tous les soirs la part d’elle-même qui se bat, dans le risque, pour le bien commun – interprété au plus près du vécu, est l’affirmation d’une confiance, malgré tout, en la valeur de l’humain.
Elle implique que, quels que soient les errements de ses comportements, il y a, en tout homme, une constante, une qualité qui lui est propre et qui n’est relative, ni à l’époque où il vit, ni à l’espace qu’il habite, ni à la culture à laquelle il appartient.
Quelle serait cette qualité ? Dire que c’est la possession de la raison, comme on le faisait volontiers dans l’Antiquité, n’est pas suffisant car la raison est présente, et d’innombrables façons, dans le donné naturel (trajectoire parabolique du projectile, cellule hexagonale de l’abeille, structure fractale du chou-fleur, etc.) La première formulation claire de cette qualité constante et exclusive de l’humanité semble bien être due à Brunetto Latini, penseur et homme politique florentin, dans son Livre des Trésors (vers 1265) : « Toutes terres sont pays à l’homme, ainsi que la mer l’est aux poissons. Où que j’aille, je serai en la mienne terre, puisque nulle terre ne m'est exil, ni pays étranger ; car bien-être appartient à l'homme, non pas au lieu. »
La valeur propre de l’humanité est dans le fait qu’elle est la seule espèce vivante à pouvoir librement choisir ses valeurs finales. Autrement dit, le bien (« bien-être ») lui appartient. Alors que les autres espèces vivantes ont leur bien qui est déterminé, de l’extérieur, au moyen de comportements instinctifs, par le biotope (« lieu ») pour lequel elles sont conformées (le crocodile a besoin d’un plan d’eau et le bovin d’étendues herbeuses) et en lequel, seul, elles peuvent s’épanouir. C’est pourquoi les humains habitent la Terre en des sites si différents et de manières si variées. C’est pourquoi lorsque des individus ou des peuples se découvrent pour la première fois, ils se font signe de la valeur de leur humanité dans ce souci du bien en échangeant saluts et cadeaux. C’est pourquoi ne peut se trouver que dans l’espèce homo sapiens l’individu qui s’obligera à faire une grève de la faim, même jusqu’à la mort, pour le bien par lequel il donne sens à sa vie. C’est pourquoi nous sommes si attachés à créer, à conserver, à transmettre, ces œuvres que nous qualifions de belles parce qu’elles symbolisent, chacune à leur manière, cette visée du Bien qui est l’apanage de notre espèce.
Admettre cette liberté de ses valeurs finales, c’est reconnaître en l’homme une valeur qui ne saurait être subordonnée à quelque autre – une valeur absolue donc. C’est être humaniste !
Or, reconnaître cet humanisme, c’est se redonner, du même coup un avenir. Puisque nous en avons la liberté, il nous est possible de choisir une autre fin que celle, dégradante, promue comme une évidence par la néo-sophistique marchande qu’est la recherche du plus de plaisir possible dans le moindre délai.

*  *  *

L’humanisme est-il dépassé ? Non ! Mais il vrai qu’il est largement recouvert par le jacassement bruyant et continu émanant des pouvoirs marchands.
Or nous pressentons que la situation d’impasse en laquelle se trouve aujourd’hui l’humanité, qui conjugue une crise écologique planétaire avec une situation d’injustices sociales à la limite de la rupture, est liée au fait que ce sont les comportements d’inhumanité qui sont privilégiés par l’organisation sociale mercatocratique.
Si bien que la conclusion s’impose que c’est seulement en redonnant à l’humanisme sont droit de cité que l’humanité sortira du catastrophisme ambiant pour retrouver des perspectives d’avenir.
Cet humanisme sera nécessairement renouvelé : il ne saurait s’en tenir au progrès de la modernité, ni aux droits de l’homme des Lumières. Tout simplement parce qu’il aura pris conscience qu’il doit surmonter à la fois l’orgueil de l’espèce – croire que l’humanité puisse simplement instrumentaliser son environnement naturel – comme la prétention individualiste – croire que la solution soit pour chacun dans l’amour de soi.
Cet humanisme qui nous redonnera le goût de l’avenir mettra en honneur la fraternité. Laisser la compétition aux mâles des grandes espèces de mammifères qui régulent ainsi leur vie sociale, ou aux petits enfants qui ont besoin de s’affirmer pour garantir le toute neuve conscience d’eux-mêmes. Du point de vue humain, c’est toujours une étape qui doit être dépassée. Car, finalement, l’histoire le montre, c’est dans la fraternité que l’humanité est vraiment elle-même.
Cet humanisme qui nous redonnera le goût de l’avenir mettra en honneur la liberté. Mais sera privilégiée la liberté de créer – créer des œuvres qui augmente son estime de soi en tant qu’humain. L’humain est capable d’œuvres qui méritent d’être conservées et d’enrichir la biosphère – et il y en a une infinité de possibles, des inventions techniques (faire un pain), aux œuvres monumentales (pyramides d’Égypte), en passant par les œuvres du bricoleur et les œuvres d’art, du moment qu’elles n’altèrent pas l’habitabilité de la biosphère. Car toute création est toujours un enrichissement des possibilités de vie, et donc de notre liberté.
Finalement le choix des valeurs humaines par nos ancêtres – liberté, égalité, fraternité – à condition de les prendre toutes en compte dans leur sens pleinement humain, sont une bonne base.