dimanche, novembre 24, 2019

Du désir de PMA et autres désirs technologiquement éclos



Oublions le débat sur la légalisation de la « procréation médicalement assistée » (PMA) !
Car ce débat est fonction de la pression sociale d’un désir de PMA. Et c’est parce que ce désir est communément jugé dans le sens de l’histoire que l’on va vers la légalisation de la PMA pour toutes.
C’est bien son désir personnel d’avoir un enfant par une médiation technique où c’est la main et l’appareillage du bio-technicien qui réalise la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovocyte, et non l’étreinte sexuelle avec un partenaire de sexe différent, qu’il faut interroger.
Certes, on peut désirer avoir un enfant alors que les conditions physiologiques ne peuvent être réunies pour un raison ou une autre. Mais qu’est-ce qui peut avaliser un tel désir lorsqu’il ne peut se réaliser qu’en passant par les lourdes contraintes impliquées par toutes les techniques de procréation médicalement assistée ?
Autrement dit, en deçà de la question de la légalisation, il importe d’aller vers des critères d’estimation de la recevabilité de son propre désir de PMA.
Cela requiert d’abord que l’on dépasse la mystification idéologique contemporaine concernant le désir.
Aujourd’hui, le désir est traité comme une évidence : « Si tel est mon désir, bien sûr qu’il m’est légitime de vouloir le satisfaire ! ». Le présupposé de vision du monde qui fonde cette quasi sacralisation du désir ? Le Bien, c’est profiter le plus possible de la vie, et profiter le plus possible de la vie c’est se mettre en capacité de satisfaire au mieux ses désirs ! Au point que la personne qui affirme « C’est mon désir ! » croit pouvoir donner la justification ultime à son comportement.
En réalité, vivre c’est autant écarter ses désirs que les affirmer. Être conscient, c’est d’abord être affecté par ce qui nous arrive. Autrement dit, ce qui fait le fond de notre conscience est une succession de sentiments qualitativement déterminés, c’est-à-dire qui constamment oscillent selon la polarité bon/mauvais. Et chacun de ces sentiments pose nécessairement un désir : celui d’aller vers le bon, ou de faire obstacle au mauvais.
Ainsi, nous ne cessons jamais, même en dormant, de micro-désirer. Et la plupart de ces désirs sont congédiés sans même attirer notre attention. On peut inférer que la pression dans le même sens d’une constellation de ces micro-désirs, de même que quelque événement qui émeut particulièrement, amènent à la formulation explicite de ce que l’on reconnaît comme son désir ; d’autant mieux d’ailleurs qu’interviennent des facteurs extérieurs opportuns : un message de propagande, un choix fait par autrui valorisé comme modèle, etc.
Vivre c’est choisir ses désirs pour en faire des projets de comportement, donc c’est en écarter innombrablement.
Mais peu importe ceux que l’on écarte, puisque l’enjeu est bien ceux que l’on choisit. Comment être assuré que l’on choisit les désirs dont la satisfaction sera finalement bonne. « Finalement », parce que la satisfaction humaine va bien au-delà du simple plaisir d’un moment, elle est la plus pleine et la plus durable ━ ce que désigne le mot « joie » ━ lorsqu’elle oriente sa vie vers sa plus grande valeur, ou, pour le dire avec les mots de Spinoza, « La joie est le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection. » (Éthique, III, def. 2)
D’autre part, on sait que régulièrement le sentiment de manque de l’objet désiré se renforce avec le temps jusqu’à devenir irrépressible dans son exigence du comportement adéquat. Cela signifie qu’il manifeste une nécessité physiologique. C’est alors qu’il faut parler de besoin. Il s’ensuit que, parmi tout ce qui nous incline à nous comporter pour une satisfaction (les désirs au sens large, qu’on appelait naguère plus justement « inclinations »), les besoins doivent être de toutes façons pris en compte. 
Mais dans son ordinaire, le désir n’a pas du tout cette nécessité. J’ai très soif, tel est mon besoin présent, et j’aspire à commander telle boisson gazeuse dans un bar. Tous les bars sont fermés ? Hé bien je boirai de l’eau à la fontaine avec autant de soulagement physiologique, sans que le renoncement à mon désir entraîne quelque dommage !
Le besoin est nécessaire, le désir est contingent (lié à des circonstances qui auraient pu ne pas être). Le besoin est rigide en ce qu’il reste rivé à un objet déterminé (quelque chose à boire ou à manger, un lieu pour dormir, etc.), le désir est plastique en ce qu’il peut faire évoluer son objet selon les circonstances. Car le désir s’appuie sur des représentations imaginaires mouvantes de sa satisfaction, alors que le besoin s’éprouve physiquement comme sensation d’inconfort qui peut s’accroître jusqu’à la douleur.
Le besoin est assuré quant à la satisfaction attendue. Par contre la satisfaction d’un désir garde un certain degré d’incertitude : on n’est pas du tout sûr de trouver dans l’accès à son objet la satisfaction que l’on fantasmait à son propos.
Concernant l’accouplement humain, on parle volontiers de désir sexuel, et à juste titre car la motivation est essentiellement nourrie de contenus imaginaires contingents. C’est bien pourquoi la sexualité humaine peut prendre un nombre indéfinie de formes. Mais on ne peut nier qu’il y a aussi une dimension de besoin dans le mouvement vers l’accouplement ━ c’est pourquoi la tension vers l’accouplement devient particulièrement insistante en certaines périodes de la vie, comme au printemps au sortir de l’adolescence.
On peut appeler génitalité le besoin d’accouplement, et sexualité, tous les mouvements de l’âme et du corps liés au désir d’accouplement.
Alors que la génitalité apparaît quasiment exclusive chez l’animal, elle est marginalisée chez l’humain qu’accapare une sexualité envahissante.
Mais même s’il fallait admettre la possibilité humaine d’une pure génitalité, elle ne serait qu’un besoin d’accouplement, et non pas un besoin de faire un enfant, puisque ce sont alors des mécanismes naturels qui amènent à une union des corps telle qu’elle favorise la probabilité d’une fécondation. D’ailleurs, il est attesté que, souvent dans le passé, des sociétés ont méconnu le lien entre accouplement et fécondité féminine.
C’est pourquoi il faut accorder que, depuis toujours, la majorité des enfants naissent comme conséquence physiologique de l’accomplissement du désir d’accouplement, plutôt que l’accouplement soit recherché comme moyen de faire un enfant.
Cela a été un considérable progrès de l’humanité que son accès à la conscience de la relation accouplement/fécondité telle qu’elle a permis une maîtrise de la fécondité.
Il reste que l’inclination à avoir un enfant est bien proprement un désir, avec ses dimensions d’imaginaire, de contingence ━ on peut choisir délibérément de ne pas avoir d’enfant ━ et d’incertitude quant à la satisfaction que l’on peut en attendre.
Cette contingence peut amener à un désir d’enfant des personnes qui ne sont pas en situation de le satisfaire par un accouplement fécond, que ce soit pour des raisons physiologiques, psychologiques ou sociales.
Il semble bien qu’historiquement, pour ces personnes, un tel désir a presque toujours été écarté en tant que tel, en arrivant quand même la plupart du temps à trouver une satisfaction oblique par un attachement privilégié à un enfant d’une lignée de sa famille proche ou de son voisinage social.
Par ailleurs, une réponse franche à ce désir, a priori déplacé, a régulièrement été trouvée dans l’adoption, dans le cadre des règles de la société, d’un enfant en défaut de parents.
Ce n’est que très récemment ━ depuis les années 70 ━ que sont apparues progressivement une batterie de techniques bio-médicales, celles qui rentrent sous l’appellation globale de Procréation Médicalement Assistée (PMA), qui donnent de nouvelles possibilités de satisfaire son désir d’enfant lorsque la voie naturelle est impossible.
Pourquoi ne pas en tirer bénéfice ? Ce qui revient à poser la question : en quoi son désir de PMA pourra-t-il être jugé, finalement, bon ?
La valeur d’un désir d’enfant peut être un savoir d’intuition. Comprenons-le sur le modèle du savoir de celui qui tombe amoureux. Il est évident que Romeo savait qu’il ne pouvait envisager de vivre sans Juliette, car dès qu’il l’eut rencontrée il avait compris que sans elle sa vie n’aurait plus de sens. On peut savoir avec tout autant d’assurance vouloir être parent d’un enfant pour une raison qui tient également au sens de sa vie : « Sans cet enfant ma vie aura quelque chose d’inaccompli ! »
On peut rattacher ce savoir intuitif qui entérine son désir d’enfant à la conscience qu’a l’individu humain de sa finitude. Il se sait mortel d’un part, mais d’autre part il se veut partie prenante de l’aventure humaine qui continuera après lui et dont l’enjeu est son sens historique : l’histoire fera-t-elle advenir la valeur de l’humain ? Et nous savons que c’est la culture comme domaine d’investissement collectif qui sédimente ce souci. Le sens du désir d’avoir un enfant qu’on « élève » (que le mot est juste !) serait alors de laisser son empreinte (génétique, mais aussi culturelle) dans la poursuite de cette aventure.
Un tel désir, intuitivement impératif, peut-il se concevoir dans la modalité d’une PMA ? Oui, dans la mesure où elle ne contredit pas ses présupposés.
Cela implique que ce désir soit compatible avec les valeurs d’humanité d’une part, et qu’il réalise la transmission de cette empreinte de soi-même vers le futur qui permet de parler de « son » enfant, d’autre part.
Le recours à une mère porteuse (GPA) dont le corps est simplement utilisé comme moyen ne remplit aucune de ses conditions. Par contre si la mère porteuse est une proche des aspirants parents qui le fait par amour pour eux, cela est concevable, mais laisse un problème quant au désir de transmission, puisque, aux côtés du couple d’homosexuels, la mère porteuse restera la vraie mère.
Le problème de transmission se retrouve dans les modes de PMA qui s’appuient sur le don anonyme de sperme, ou d’embryon, tout simplement parce que l’enfant a toutes chances de le poser un jour en s’interrogeant sur la (ou les) personnes à l’origine de ses gènes.
À ce point, on peut faire trois remarques :
1– Hors l’insémination artificielle des spermatozoïdes du père dans l’utérus de la mère, le bio-technicien a un rôle important, décisif même, dans la naissance de l’enfant – c’est lui qui choisit les spermatozoïdes, ou l’embryon. C’est pourquoi, malgré les dénégations répétées rituellement ━ « C’est votre projet ! C’est votre bébé ! » ━ , il garde nécessairement, même si cela est peu conscient, un rôle de père symbolique. Ce qui altère l’investissement de transmission des parents déclarés.
2– Dans les cas de couples homosexuels de recours à la PMA, la fertilité naturelle n’est pas en cause et est inutilisée. Il y a donc un choix théoriquement possible entre la voie technicienne et la voie naturelle, puisque, dans l’un ou l’autre cas, il faudra bien mettre en jeu des gènes étrangers au couple parental. Abstraction faite de la longueur, de la lourdeur et du coût financier du processus technique, la voie naturelle est préférable du point de vue objectif puisqu’il y a un « parent-fantôme » en moins pour l’enfant : le bio-technicien. D’ailleurs dans la voie naturelle le géniteur (trice) de convenance peut ne pas rester fantôme et être reconnu comme tel, ce qui allégera, pour l’enfant, l’appropriation de son identité. C’est le problème de chacun d’examiner si son détournement de l’hétérosexualité tolère l’exception d’une étreinte pour réaliser son désir d’enfant, compte-tenu de la qualité de la personne qui accepterait ce rôle de donneur de gamètes ou de bébé.
3– Il faut relativiser l’importance des gènes dans son désir de transmission. On sait en effet que l’on peut donner un plein sens humain à sa vie sans avoir un enfant portant ses gènes. C’est ce que font les créateurs dont les œuvres s’inscrivent dans le patrimoine culturel, c’est ce que font tout autant les éducateurs – et il est certain qu’une vie humaine prend toujours du sens dès lors qu’elle consacre une part de son énergie à l’éducation des nouvelles générations. De cela on peut conclure que l’adoption est toujours une bonne solution à ce désir d’avoir un enfant qui s’impose en dépit de l’impossibilité de sa solution naturelle. Et, si ce n’est l’adoption, le parrainage, si universellement pratiqué dans l’histoire humaine, est une authentique solution au désir de transmission. Il faut déplorer qu’il soit si négligé aujourd’hui, dans nos sociétés qui ont laissé se désagréger les relations familiales.
On peut donc conclure que, pour satisfaire son désir d’enfant dont la valeur s’impose intuitivement comme donnant sens à sa vie ━ lorsqu’on ne peut pas le faire naturellement ━ la solution PMA n’est surtout pas celle vers laquelle il faut se tourner d’emblée, comme l’idéologie régnante semble la présenter aujourd’hui. Il y a d’autres solutions bien plus fidèles à la promesse que signifie cet investissement pour un enfant.
C’est seulement comme solution de dernier recours que la PMA peut être raisonnablement valable.
Il arrive également qu’en des couples stériles ou des personnes seules un désir d’enfant se forme quoiqu’il ne s’impose pas avec la profondeur et l’impériosité des cas examinés ci-dessus. Ce désir est alors lié aux circonstances et aurait pu ne pas apparaître, c’est pourquoi il doit être réfléchi.
Pour bien réfléchir un désir, plutôt que de se lancer dans des développements sur sa satisfaction et ses conséquences, ce qui amène à abonder dans le sens de l’imaginaire qui le sous-tend, il est préférable de s’interroger sur son origine. Car c’est là que se joue la liberté de l’individu :« Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité … » (Spinoza).
De ce point de point de vue, il faut s’interroger sur la dimension collective de l’affirmation d’un désir de PMA. Elle est certes liée à l’apparition d’une offre bio-technique crédible depuis la fin du siècle dernier. Mais elle est surtout le fait d’associations représentant les personnes non hétérosexuelles revendiquées (les groupes « LGBT » pour lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) au nom d’une égalité de traitement par la loi avec les personnes hétérosexuelles.
La réflexion devrait amener à invalider un désir de PMA procédant d’une telle démarche dans la mesure où elle le révèle réactif et mimétique.
Le désir est réactif en ce qu’il est déterminé par réaction à la souffrance subie dans le passé par la personne ayant dû cacher l’anormalité de son inclination sexuelle. Un tel désir ne relève en effet pas d’une aspiration propre à la personne, mais est déterminé par les conditions sociales oppressives éprouvées : «Je dis que nous agissons (…) lorsque, en nous ou hors de nous, il suit de notre nature quelque chose qui peut être clairement et distinctement compris par cette seule nature. Mais je dis au contraire que nous sommes passifs lorsqu'il se produit en nous, ou lorsqu'il suit de notre nature, quelque chose dont nous ne sommes que la cause partielle.» (Spinoza, Éthique, Partie III, déf. 2). Qui veut se lancer dans une PMA dans le cadre social évoqué ci-dessus doit sérieusement réfléchir si elle/il n’est pas seulement « la cause partielle » de cette décision.
Il se trouve que, le plus souvent, ce type de désir réactif est aussi mimétique : il prend sa forme dans l’imitation du désir de l’autre. Il est simple à comprendre qu’alors il n’est pas libre. Vouloir, pour un couple homo, être parent comme un couple hétéro peut l’être est une ambition vaine. Le droit et les jongleries de langage auront beau faire, ça ne pourra jamais coller. C’est pourquoi si, après réflexion, on choisit la PMA, il est préférable d’admettre clairement, aussi bien pour soi-même que pour l’enfant, qu’on est dans une parentalité complexe, très différente de la parentalité hétéro ━ difficulté du processus menant à la naissance, rôle de la technique et du bio-médecin, origine des gènes, distribution des rôles parentaux à réinventer, etc. Car c’est bien la pire situation que l’on vive, et que l’on fasse vivre, que de rester dans la fausseté qui oblige le langage sans cesse à réaffirmer une fiction pour essayer d’empaqueter une réalité qui lui résiste.
Il semble que, là encore, une réflexion menée sincèrement devrait faire voir les avantages de l’adoption sur le recours aux artifices techniques d’une PMA. Le seul avantage d’une PMA semble être la possibilité de l’investir du fantasme que ce sera « son » enfant. Certes, ce sera un enfant que l’on aura chèrement payé. Mais cela ne change rien au fond : c’est un fantasme irréaliste.
Pourquoi alors les diverses techniques de PMA n’ont-elles pas été laissées à la solution de situations très exceptionnelles ? Pourquoi sont-elles devenues cet enjeu de société que l’on connaît aujourd’hui à travers le monde ?
Cela ne peut se comprendre si l’on n’admet pas un investissement très particulier de la technique propre à l’homme moderne ━ ce qu’on pourrait appeler un désir de technique.
Ordinairement, on a besoin d’une technique comme moyen nécessaire pour atteindre un but. Quand nous parlons de désir de technique, nous exprimons le fait que la technique apporte une satisfaction pour elle-même, dans le seul fait qu’on y ait recours, abstraction faite de la réalisation du but dont elle est le moyen.
Sans doute faut-il caractériser la modernité par ce rapport à la technique comme valeur en soi. C’est d’ailleurs le ressort nécessaire de la société industrielle comme dynamique de croissance indéfinie dans la production de biens. Qu’est-ce qui donne sa valeur à une marchandise en situation d’abondance de biens ? Son différentiel technique : cette lessive lave plus blanc, ce téléphone a plus de capacités et de fonctionnalités ! Par contre les marchandises qui ne peuvent pas proposer de différentiel technique sont négligées. Ainsi en est-il, par exemple, des productions agricoles ━ c’est bien pourquoi il faut de toutes forces techniciser l’agriculture, et qu’il y a une telle pression marchande pour faire sauter le verrou des interdictions de cultures OGM.
Tout se passe comme si la société industrielle de croissance ne pouvait fonctionner qu’en s’appuyant sur le fantasme qu’acheter une marchandise (technicisée donc) c’est acquérir de la puissance. Ce fantasme n’est pas en général explicite (c’est l’utilité de la marchandise qui est invoquée explicitement). Cependant il opère puissamment dans la motivation d’achat, constamment alimenté par la propagande publicitaire. Mais un fantasme ne prospère ainsi socialement que s’il trouve une résonance dans l’imaginaire de chacun. Et les traits d’imaginaire commun qui mettent en scène la technique comme lieu de jouissance de sa puissance renvoient nécessairement à un vécu passé de l’espèce en lequel on peut déjà inférer des souffrances de se sentir impuissant par rapport à la nature[1].
C’est dans cette configuration d’investissement de la technique qu’il faut interpréter l’avènement des techniques de PMA comme enjeu de société. La PMA consiste à soustraire à la nature ce bien qu’est la capacité de reproduction. Elle semble donner réalité à un fantasme de pouvoir se reproduire n’importe où, n’importe quand, entre n’importe qui. C’est le fantasme de la puissance humaine qui outrepasse les limitations naturelles de la reproduction. Ce fantasme renvoie au vieux rêve démiurgique que les humains arrivent à créer un homme artificiel.
Lorsqu’il met en œuvre une PMA, l’humain peut donc magnifier son vécu comme s’il réalisait son fantasme de puissance par la technique à un autre niveau, supérieur à tout ce qu’il a réalisé auparavant[2]

* * *

La PMA pourrait n’être qu’une solution coûteuse, à la fois affectivement et socialement, pour répondre à des situations d’empêchement de la reproduction naturelle tout-à-fait exceptionnelles. À ce titre elle ne serait qu’une technique marginale qui, en particulier, n’aurait pas recours à une gestion quasi industrielle de spermatozoïdes et d’embryons.
Si elle ne l’est pas, n’est-ce pas essentiellement parce qu’elle est investie comme manifestation de puissance ?
Si la réponse est positive, alors il faut admettre que la PMA est une marchandise. Comme toutes les marchandises, elle s’avance vers l’individu parée de son différentiel technique afin de susciter un désir qui va bien au-delà de son utilité.
La PMA serait cette marchandise catalysant un débat social particulièrement vigoureux parce qu’elle créerait une tension entre des motivations antagonistes fortes : d’une part un investissement dans un très archaïque fantasme de puissance, d’autre part une irrationalité manifeste dans un choix essentiel pour l’orientation de sa vie.
Pour le désir de PMA, comme pour d’autres désirs technologiquement éclos, il suffit d’un peu de réflexion pour échapper à de pseudo-solutions fort coûteuses.
  

 [1] Voir P-J Dessertine, Pourquoi l’homme épuise-t-il sa planète ?, chap 13, La puissance technique, où l’on montre la surdétermination de cet investissement irrationnel de la technique.
 [2] Ce n’est pas encore le couronnement de cette fantasmatique. Celui-ci serait dans une technique qui réaliserait l’immortalité.

samedi, novembre 16, 2019

Comment continuer à habiter la Terre ?


Hong-Kong, quartier Kin Ming Estate – mai 2015



L’espèce humaine habite la Terre parce que chaque humain habite un lieu (ou un ensemble de lieux s’il est nomade) sur la Terre. L’exception, ce sont les exilés qui errent sur terre et mer, ou s’agglutinent dans des camps, là où les États verrouillent les passages ━ ils sont toujours en attente d’un lieu accueillant. C’est donc bien une règle pour l’humanité d’avoir à trouver son habitat sur la Terre. Comme Heidegger l’écrit : « Habiter, être mis en sûreté, veut dire : rester enclos dans ce qui nous est parent, c'est-à-dire dans ce qui est libre et qui ménage toute chose dans son être. Le trait fondamental de l'habitation est ce ménagement. » ; car, ajoute-t-il, « la condition humaine réside dans l'habitation » (Essais et conférences, «°Bâtir, habiter, penser » – 1951).
Certes, on parle aussi de l’habitat animal. Certes, bien des animaux sont capables d’un véritable savoir-faire technique dans la confection de leur habitat – la termitière, le nid du tisserin, le barrage du castor, etc. – tel qu’ils font quelquefois la leçon à nos ingénieurs. Mais l’animal habite-t-il dans le même sens que l’humain ?
Car l’animal habite toujours dans une configuration environnementale bien déterminée qui est le biotope de l’espèce en lequel elle s’épanouit et hors duquel elle dépérit ; alors que l’homme peut se donner son habitat à peu près n’importe où sur la surface de la Terre.
D’autre part, la forme de l’habitat d’un animal reste inchangée tout au long de la carrière de l’espèce, utilisant les mêmes matériaux dans les mêmes types de site ; alors que l’habitat des hommes a toujours évolué dans le temps.
Bref, l’habitat humain n’est pas arrimé à des paramètres spatiaux et temporels comme celui des autres espèces. N’est-ce pas là lui reconnaître une liberté spécifique ?
L’espèce humaine est l’espèce vivante qui a une liberté propre de choisir son habitat.
Mais cette proposition, valable d’un point de vue général, ne paraît pas recouper l’expérience de la plupart des hommes.
Car l’habitat humain est presque toujours une affaire collective. Elle relève donc aussi des rapports de pouvoir dans la société.
Il est clair que, naguère, le couple qui voulait construire sa maison dans le village devait se soumettre aux règles de la coutume. Aujourd’hui, toute nouvelle construction d’habitation doit être autorisée par l’administration et se conformer à des règles précises.
Mais il est frappant de constater que, sur la surface de la Terre, l’immense majorité des individus humains de notre modernité tardive ne maîtrisent en rien la forme de leur habitat. C’est ce qu’illustre l’image d’un « quartier » récent de Hong-Kong présentée ci-dessus (les guillemets s’imposent car il ne saurait y avoir en ce contexte une vie de quartier au sens où on l’entend habituellement).
Effectivement, le développement de l’habitat aujourd’hui se fait majoritairement dans des mégalopoles (énormes agglomérations urbaines qui peuvent dépasser la dizaine de millions d’habitants) par densification de la population en recourant à l’habitat en hauteur (tours), mais aussi, quand cela est possible, par une extension quasi indéfinie de zones périurbaines d’habitat pavillonnaire.
Où est la liberté proprement humaine sur son habitat en de telles configurations ? Or on sait que son mode d’habiter détermine fondamentalement sa manière de vivre. Que devient le sens de sa vie humaine si celle-ci est déterminée par un habitat imposé socialement ? Comment en arrive-t-on à vouloir habiter, avec si peu de marge de manœuvre quant au choix de son habitation, dans une mégalopole ?
Il y a une réponse simple : pour pouvoir continuer à vivre et, si possible, perpétuer sa vie par la reproduction.
Car n’est-ce pas cela la fonction essentielle de l’habitation ? C’est bien ce qu’exprime Heidegger (en style ampoulé) : « Habiter, être mis en sûreté, veut dire : rester enclos dans ce qui nous est parent, c'est-à-dire dans ce qui est libre et qui ménage toute chose dans son être. »
Et il se trouve que nous vivons dans un système social qui requiert qu’un nombre de plus en plus grand d’individus, s’ils veulent habiter quelque part pour faire leur vie, n’ont d’autre choix que de s’insérer dans l’offre d’habitat des mégalopoles.
On pourra objecter que l’on a toujours le choix, que l’on peut toujours diverger de la pression idéologique, choisir un mode de vie dissident – retour à la campagne, nomadisme, projet de vie communautaire, etc. Mais on comprendra qu’une telle liberté reste abstraite pour la plupart dans une société organisée technocratiquement pour l’optimisation des flux marchands, ce qui amène à la mise en place de grands nœuds d’activité économique requérant la concentration de populations pour s’y employer, lesquelles trouveront ainsi revenu et habitat.
Bien sûr, on aura toute légitimité à condamner ce mode d’habitation sous la coupe de l’ordre économique mondialisé.
D’une part il représente une aliénation de l’habitant au sens marxiste du terme : la part la plus importante de son énergie vitale est consacrée à des buts qui lui sont étrangers, avec pour seul bénéfice un salaire qui lui permet de vivre mais, finalement, retourne alimenter le système économique qui l’assujettit.
D’autre part l’habitant participe ainsi pleinement à l’activisme dévastateur du système économique mondialisé contemporain lequel, parce qu’il engendre des dommages irréparables à la biosphère, est sans issue pour l’avenir de l’humanité.
Peut-on penser l’homme des grands ensembles urbains comme celui qui a perdu la liberté de son habitat et, dans le même mouvement, la maîtrise de sa vie ?
Un tel diagnostic serait terriblement pessimiste pour l’avenir, car il signifierait que la grande majorité des individus actifs sur cette planète seraient assez irrémédiablement manipulés parce qu’enfermés dans le triptyque de la condition de l’homme moderne : habitant/travailleur/consommateur. 
Peut-être que l’habitat humain ne se distingue pas seulement de l’habitat animal par la liberté des choix de sa forme, de ses matériaux, et de son emplacement. Peut-être que cette liberté porte aussi sur la manière d’habiter, autrement dit sur le sens que l’homme donne à cet espace qu’il investit comme son habitation.
Car il y a un sens humain de l’espace, et ce sens est fondamentalement ambivalent.
Considérons le nouveau-né. On sait que le passage de la vie intra-utérine à la vie aérienne a été pour lui une très difficile épreuve.
Qu’a-t-il perdu ? Un espace sans recoins, sans échappées, où ses besoins sont spontanément satisfaits, où il peut demeurer en totale confiance.
Que trouve-t-il par la parturition ? Des sensations inédites et agressives (bruits, lumière, odeurs), l’aspiration vers le bas par la pesanteur, l’empoignage du préposé à l’accouchement, l’urgence de trouver la voie de l’oxygénation aérobie, et surtout, surtout, le vide angoissant de l’espace ouvert en lequel ses petits membres battent désespérément pour trouver à quoi se raccrocher.
Mais il rencontre le bras bienveillant de la mère qui l’amène contre son sein, ce qui lui apporte l’apaisement.
Qu’a-t-il gagné ? D’être accueilli dans le monde humain comme un nouvel être désiré, pouvons-nous dire d’un point de vue objectif. Mais de son point de vue à lui ? La traversée angoissante de l’espace ouvert a abouti à la rencontre du corps de la mère en extérieur, comme premier repère absolument bon constitutif du monde. Autrement dit, il a découvert le bénéfice de la liberté de déplacement dans l’espace ouvert, sa toute première liberté, au fondement de toutes les autres.
L’expérience inaugurale de tout être humaine est l’expérience de l’espace. Et cette expérience prend deux valeurs :
–    elle est l’expérience d’un espace à sa mesure, clos, sécurisé, de confiance, qui est aménagé pour pourvoir à ses besoins – entretenir sa vie et la perpétuer. C’est l’espace d’habitation.
–    elle est aussi l’expérience d’un espace ouvert, risqué car il est plein de recoins obscurs, d’échappées inquiétantes, mais qui recèle aussi la possibilité de bonnes rencontres. C’est l’espace qui ouvre sur le monde et qui permet de faire valoir sa liberté. C’est l’espace d’aventure.[1]
Ces deux investissements de l’espace sont liés. C’est parce qu’il connaît l’aventure dans l’espace ouvert que l’individu humain investit l’habitation.
Car l’humanité est l’espèce essentiellement aventureuse.
Cela se voit au niveau de la naissance de l’individu. Le poussin qui vient de casser sa coquille retrouve d’emblée l’odeur et le caquetage de sa mère, en même temps qu’il peut s’en rapprocher car il a déjà l’autonomie de déplacement. Le poulain que vient de mettre bas la jument sait d’emblée qu’il a une chose à faire : se mettre sur ses pattes. Il semble bien que le nouveau-né humain soit le seul qui émette des sons de détresse et fasse des gestes vains à la naissance.
Cela se devine à l’origine de l’espèce. Selon le scénario le plus consensuel, l’humanité est l’héritière de ce groupe de primates anthropoïdes qui, suite à quelque bouleversement géologique, ont dû quitter leur environnement forestier, et se sont lancés à découvert sur la savane, vulnérables car sans protection spécifique, et donc à l’aventure – ce qui a amené au redressement de la colonne vertébrale, à la bipédie systématique, à la disponibilité des membres antérieurs pour la polyvalence fonctionnelle et au déverrouillage du lobe préfrontal pour le développement d’une intelligence symbolique (acquisition du langage).
N’oublions jamais, lorsque nous voyons un exilé, sans toit, en attente d’être accueilli quelque part, que l’exil fut notre condition première d’humain.
C’est bien parce qu’elle est fondamentalement aventureuse, que l’humanité est la seule espèce historique, c’est-à-dire qui ne fait pas que répéter, à chaque cycle de succession des saisons, les mêmes comportements.
L’animal a besoin d’un gîte essentiellement pour assurer la reproduction de l’espèce. L’être humain investit son habitat, non seulement pour se protéger de l’espace hostile (c’est pourquoi il le délimite soigneusement et en contrôle l’accès), non seulement pour pourvoir à l’entretien de sa vie et assurer sa descendance, mais aussi pour se reposer de sa vie aventureuse. L’habitation se veut comme le temps de la vie sans histoires.
Mais l’homme en ce repos a besoin des témoignages de son humanité, comme s’il lui fallait se rassurer du bon usage de cette liberté propre qui lui a permis de se lancer à l’aventure.
C’est pourquoi, toujours, l’habitat humain est truffé de signes des initiatives aventureuses des hommes : : inscriptions, tableaux, photos, bibelots, décorations, etc. Son habitat ne vaut, pour l’homme, que s’il renvoie le reflet de son humanité, que s’il est un espace cultivé. On s’est beaucoup interrogé sur la signification des fresques pariétales de nos très lointains ancêtres, dans les grottes de Lascaux, Chauvet, Cosquer, etc. ; accueillons-les simplement dans cette perspective.
Revenons à l’image de ce quartier de Hong-Kong sur-densifié par l’habitat en hauteur. N’a-t-on pas l’impression d’une immense termitière à échelle humaine ? L’habitat contemporain imposé dans les mégalopoles n’est-il pas en train d’animaliser les humains ? La réponse est non. Nous savons qu’aujourd’hui les habitants de ces tours sont lancés dans une aventure politique, peut-être la plus conséquente de notre époque, puisqu’elle les oppose au principal pouvoir à tendance totalitaire de la planète, un pouvoir qui vise à proscrire tout esprit d’aventure au point de ne pouvoir s’accommoder d’Internet.
C’est souvent la tendance des pouvoirs sociaux de surjouer les besoins de sécurité, et donc de renchérir sur la logique de l’habitation afin de comprimer l’esprit d’aventure, et ainsi de conforter leur pouvoir. Les pouvoirs deviennent totalitaires lorsqu’ils vont jusqu’à traquer toute velléité de liberté au nom de la sécurité. Rappelons à ce propos la formule de Heidegger : « la condition humaine réside dans l'habitation ». En réduisant l’humanité à l’habitation ce penseur donne une conception qui trahit la condition humaine car l’habitation ne vaut qu’autant que l’être humain est aventureux, c’est-à-dire libre. C’est pourquoi on n’est pas surpris qu’Heidegger ait adhéré très tôt à l’idéologie totalitaire du nazisme. C’est en effet en vertu de cette conception unilatérale de l’humain comme « habitant » que le nazisme a pu préconiser une politique préventivement belliqueuse de « sauvegarde de l’espace vital du peuple allemand ».
Il reste que la forme privilégiée de l’aventure humaine contemporaine est ce qu’on peut appeler l’aventure industrielle. Cette aventure, initiée à l’orée du XIXème siècle, consiste dans la production toujours plus massive et diversifiée de biens marchands en utilisant un progrès technique systématique, et en faisant fond sur les biens fournis par la planète. Le motif invoqué est de conforter définitivement la sécurité de l’habitation par l’abondance de biens – ce qu’on appelle « la société d’abondance ». Le motif masqué est l’accumulation privative de richesses, et les positions de pouvoir et de gloire qu’elle rend possible.
Le grand événement des premières décennies du XXIème siècle est la prise de conscience générale que la société d’abondance est un leurre, que la réalité décisive est à la fois les déchirures du tissu social dûes aux trop grandes situations d’injustice, et l’exténuation de la biosphère par les agressions incessantes de son exploitation industrielle. Les populations humaines gagnent aujourd’hui une conscience de plus en plus aiguë que leur habitat, agrémenté de tous ces biens qui l’enrichissent pour le rendre capable d’assurer la satisfaction des besoins et apporter le bien-être, repose sur des structures – sociales, économiques, naturelles – qui menacent, à plus ou moins brève échéance, de s’effondrer.
Que fait l’hominien qui prend conscience que son habitat n’assure plus sa fonction de mise en sûreté de son humanité ?
Il s’exile. Il repart à l’aventure en jouant sa vie même.
Nous avons déjà connu ce geste dans un lointain passé. Seulement aujourd’hui, il n’y a plus d’autres terres susceptibles de nous accueillir. Ne nous arrêtons pas aux billevesées sur la colonisation d’autres planètes ou de satellites artificiels : comment pourrions-nous être accueillis dans un environnement où plus rien ne nous répondrait sinon des agencements techniques très complexes dont le moindre dysfonctionnement nous ramènerait à la Terre : « Allo, Terre ! Ya quelqu’un ? » ? Mais, précisément, il est probable qu’il n’y ait plus personne pour répondre !
L’exil ne pourra se faire dans l’espace.
Ne peut-on pas envisager qu’il se fasse d’une autre manière ? Ne pourrait-il pas être un exil vers de nouvelles valeurs ? Vers d’autres principes guidant nos rapports à autrui et nos rapports avec l’environnement naturel ?
Mais de toutes façons, et en dépit des exacerbations populistes alimentant le fantasme d’un retour à l’habitation d’avant, le peuple des humains ne pourra pas se résoudre à un habitat non protecteur parce que sis sur une planète devenue inhabitable. Il se mettra en mouvement d’une manière ou d’une autre, il repartira à l’aventure, au risque d’en périr, pour obtenir l’habitabilité de sa seule planète possible.


 [1] On peut trouver dans P-J Dessertine, Pourquoi l’homme épuise-t-il sa planète ?, chap 11, La déréliction humaine, l’esquisse d’une anthropologie fondée sur cette ambivalence de l’homme dans son rapport à l’espace.

jeudi, novembre 07, 2019

De l'antislamophobisme

  
   Être antislamophobique (anti-islamophobique, et les ii fusionnent), c'est être contre ceux qui sont contre l'islam.
   Première remarque : la phobie est une maladie psychique assez handicapante – une névrose – qui implique le refus de côtoyer une réalité qui échappe à la volonté de la personne qui est affectée.
   Donc il est vain de militer pour s’opposer à une phobie, il faut soigner en offrant bonne oreille au patient pour mettre à jour les nœuds inconscients qui ont amené à cette expression pathologique.
   Admettons que le radical [-phobisme] soit une exagération visant un effet d’annonce, et gardons ainsi la possibilité qu’on puisse militer contre l’islamophobisme. Que peut signifier cette prise de position ?
   Car être contre une réalité idéologique – une religion est toujours idéologique en ce qu’elle veut imposer une vision du Bien Commun – est d’emblée ambigu.  On peut être contre l’islam parce qu’on est chrétien, ou bouddhiste, ou bien athée, agnostique, etc., ce qui change complètement le sens de son opposition.
   Mais quand on est contre ceux qui sont contre, on entre dans une ambiguïté puissance deux ! Car est-on également contre chaque type d’opposants à l’islam ? Et pourquoi ? Que veut-on exactement en s'opposant ?
   D’où le pataquès des signataires antislamophobiques qui, tardivement, découvrent qu’ils ne pourront pas aller manifester.
   Vraiment, quand on est contre une option idéologique, il faut se demander pourquoi, pour parvenir à formuler clairement le pour de ce [pour-]quoi.
   Et on engage à signer et à aller manifester en faveur de ce « pour » !
   Pour ma part, je ne suis pas contre l’islamophobie, je suis pour la laïcité, la non dogmatique, celle qui organise la tolérance pour l’affichage de la multiplicité des affiliations religieuses, et autres appartenances idéologiques, dans l’espace public.
   C'est la meilleure politique pour progresser vers cette diététique de la croyance si nécessaire aujourd'hui.