L'homme délimitait, au moyen de croyances, un domaine sacré qu'il excluait de son appropriation utilitaire.
La philosophie antique des Grecs s'est efforcée de rationaliser cette limitation en décrivant l'ordre de la nature auquel l'homme doit se conformer.
D'où le précepte stoïcien de "vivre en conformité avec la nature".
Il reste que l'ubris – l'excès dans le comportement humain – était toujours la pire faute, car, transgressant l'ordre, elle appelait les catastrophes.
Il convient aujourd'hui de convoquer de nouveau cette notion d'ubris à propos des agissements de l'homme vis-à-vis de son environnement naturel. C'est ce qu'exprime la notion d'activisme.
Mais l'excès n'est plus alors déterminé a priori, comme naguère, il est déterminé a posteriori, au vu des dommages causés, et des évolutions scientifiquement prévisibles déduites expérimentalement. Ce sont les comportements qui modifient les paramètres favorables aux flux d'échanges qui constituent la vitalité de la biosphère.
Faut-il en tirer des normes ? Cela est délicat car ce n'est pas tant la nature de l'activité qui est dommageable que son caractère généralisé. Et ce caractère généralisé est lié à la manière dont est organisée la vie sociale – le libéralisme marchand – et aux valeurs qui la sous-tendent, tout particulièrement la primauté de la valeur d'échange.
Si bien que je préconise de ne pas s'arrêter sur ce problème de normes écologiques, qui n'est pas le plus fondamental, pour investir le problème des valeurs selon lesquelles il convient de vivre ensemble.
J'ai essayé de montrer dans "Pourquoi l'homme épuise-t-il sa planète ?" qu'elles devaient sortir de la détermination de notre passif hérité du passé – ne plus être d'origine passionnelle – pour devenir pleinement humaines ; et qu'elles nous feraient alors spontanément sortir de l'activisme.
Il n'y aurait alors plus de problème écologique (étant supposé que la nature ait rétabli ses équilibres) car il est certain que la nature a une vitalité suffisante pour intégrer les entreprises de connaissances et plus généralement d'œuvres de l'espèce humaine.
Je précise qu'il me paraît dépourvu de sens de parler de violence à l'encontre de la nature, celle-ci ne pouvant être considérée comme une personne (ni comme un objet d'ailleurs). Celle-ci est un être à part, analogiquement d'ailleurs au ciel qui est un être à part parmi les réalités sensibles.
Il ne reste donc que la nécessité d'une règle qui préviennent des comportements excessifs, ainsi jugés du point de vue de leurs effets (a posteriori). Cette règle se trouve chez H. Jonas :
« Agis de telle sorte que les conséquences de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur la Terre. »L'expression "authentiquement humaine" étant entendue au sens d'une vie qui puisse consacrer l'essentiel de son énergie aux activités proprement humaines, c'est-à-dire à l'action et à l'œuvre, au sens que donne à ces mots Hannah Arendt dans La condition de l'homme moderne.
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