C'est lorsqu'il a annoncé qu'il allait, sitôt élu Président de la République Française, partir quelque part, dans un endroit isolé - « comme pour une retraite», le temps qu'il lui faudrait « pour habiter la fonction » (Sarkozy cité dans Le Monde du 27.04.07), que j'aurais dû commencer à m'inquiéter pour l'avenir de notre communauté nationale.
Il est vrai que j'avais été très étonné. Il était le premier à faire ce type d'annonce. Une annonce qui recelait l'aveu que son auteur ne se sentait pas trop dans l'éminente fonction sociale qu'il briguait.
16 mois plus tard, force est d'admettre – les occurrences pullulent – que Sarkozy n'est toujours pas en mesure d'« habiter la fonction ».
Il est toujours dans ses vieux habits. Ceux par lesquels il s'est montré performant pour capter l'intérêt et l'adhésion immédiate de l'opinion.
Mais d'un Président de la République on attend justement l'opposé d'un comportement qui engendre des sensations positives immédiates (que ce soit un bon mot ou une pommade qui apaise une émotion collective ponctuelle.) On attend des repères et des fondations pour l'avenir.
L'opinion en a conscience. Et donc lui-même aussi. C'est pour cela qu'il met régulièrement en scène le "j'ai changé". C'était le cas en janvier 2007, en avril 2007, entre les deux tours (cf l'article du Monde cité ci-dessus), en janvier 2008 aussi. Mais comment faire accroire ce changement si la partition du "j'ai changé" se répète ainsi ? Elle n'est alors rien d'autre qu'une réponse à effet immédiat à un désaveu de l'opinion. Toujours les vieux habits...
Le héraut de la réforme serait-il ainsi incapable de se réformer lui-même ?
On en arriverait à craindre un manque d'étoffe, d'épaisseur spirituelle chez le 1er personnage de l'État. Rappelons qu'il a été capable de dire publiquement : « Il faut qu'il y ait de l'autorité, des lois. L'intérêt de la règle, de la limite, de la norme, c'est justement qu'elles permettent la transgression. Sans règles, pas de transgression. Donc pas de liberté. Car la liberté, c'est de transgresser.» Interview par M. Onfray dans Philosophie Magazine n° 8. Et il a dit ça lors de sa campagne pour se faire élire chef de l'État ! C'est tout simplement disqualificatoire : l'État, c'est justement le système des règles qui rendent viables la vie en commun ! C'est de la philosophie d'adolescent ou de soixante-huitard attardé et superficiel. Les policiers, les magistrats, chargés d'affirmer l'autorité de l'État face au délinquant vont-ils se voir opposer une citation de Sarkozy ?
Nous ne savons pas ce qui se passe en l'esprit d'un être humain. Mais celui dont il s'agit ici s'est mis sur le tout devant de la scène, et nous souffrons de recevoir de lui des signes qui ne sont pas à la hauteur de la confiance que, de nous, il a revendiquée.
Et l'exigence de l'intérêt collectif est trop prioritaire pour souffrir de l'attente d'une clarification de la psychologie présidentielle.
Dès lors la nécessité d'une retraite pourrait à nouveau se poser au Président, mais sans doute pas selon la même modalité.
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