L'humanité n'est pas comme un corps étranger sur la planète Terre parce qu'elle est libre, mais justement parce qu'elle ne l'est pas.
Or, on pourrait défendre l'idée que cette capacité de choisir ses valeurs finales fasse de l'espèce humaine, non pas l'espèce étrange, mais l'espèce la mieux équipée pour épouser la variabilité des conditions de vie sur la planète.
L'espèce humaine serait cette espèce – produite par l'évolution – qui, seule, serait capable d'échapper à une catastrophe dinausorienne.
Pourquoi ? Parce que sa capacité de modifier ses valeurs finales en fait la seule espèce qui n'est pas arrimée à un biotope défini.
Parce qu'elle est libre en ce sens supérieur, l'espèce humaine serait la plus terrienne, c'est-à-dire la créature vivante la mieux capable d'épouser les évolutions ou soubresauts du support physique de la biosphère.
Par contre, il peut arriver que les valeurs finales des hommes soient comme bloquées sur des positions passionnelles.
Historiquement, ce sont tout particulièrement les passions malignes répertoriées par Kant qui ont manifesté ce blocage : les passions du pouvoir, telles la domination, la gloire et la cupidité.
Ces passions relèvent d'un mode besogneux du désir : pour le dire vite, le désir est bloqué sur des positions fantasmatiques de réparation du passé, il n'est plus capable d'épouser les variabilités de l'environnement – le désir a perdu de sa plasticité, celle qui nourrit la possibilité d'envisager d'autres buts, il fonctionne comme un besoin.
L'homme alors insiste pour atteindre une même satisfaction – de pouvoir – qui se reconduit constamment puisqu'elle vise, au fond, à réparer un passé (qui n'est plus), n'obtenant alors que la satisfaction fantasmatique.
Ce qui se voit à travers la domination d'autrui, mais aussi dans une certaine manière de dominer les processus naturels au moyen d'objets techniques (lorsque cette domination ne peut être justifiée par l'entretien de la vie, comme on le voit en situation d'abondance de biens).
Dans cette configuration, l'espèce humaine deviendrait alors la plus inadaptée des espèces vivantes : elle se comporterait comme un corps étranger sur la planète.
Le système de pouvoir marchand – que l'on peut appeler le système "mercatocratique"– actuel, en lequel se conjuguent la primauté de la valeur marchande et l'adhésion sans condition à l'innovation technique, serait une occurrence spécialement spectaculaire de cette configuration.
C'est ainsi que l'homme – espèce la mieux adaptable – serait devenue la plus inadaptée à sa planète.
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