Se développe un impressionnant phénomène de schizophrénie collective concernant la perception du sport.
D'une part il est clair que le sport de haut niveau est largement tributaire du dopage.
D'autre part pour préserver le sens de la compétition sportive qui motive l'adhésion populaire, on fait comme si les sportifs s'affrontaient sur la base de leurs qualités intrinsèques, et en particulier leur mérite.
Or de cette double conscience contradictoire on ne peut sortir dans le cadre de l'esprit du temps.
Les pratiques de dopage sont inévitables dans une société du divertissement où le spectacle de la compétition sportive détourne – divertit est le mot juste (du latin di-vertere = se tourner ailleurs)– de l'impuissance dans la compétition réelle de chacun, dans une société qui, sans en avoir l'air, s'est bien verrouillée.
Cet investissement délirant sur certain événements sportifs exige l'exacerbation de la compétition et le surenchérissement dans la performance.
L'attention à la dimension qualitative du geste sportif s'estompe pour la seule considération de la dimension quantitative de la performance.
Et le seul moyen pour être quantitativement encore plus performant lorsque le corps rencontre ses limites, c'est la dope.
Mais par ailleurs dans une époque où les substances à fonction psychotrope et physiotrope se diversifient et se rendent disponibles à tout un chacun – rencontrant les désirs valorisés socialement – il n'est pas possible d'éviter que se développe une morale de la préservation de la condition naturelle de l'individu, surtout si celui-ci, comme vedette sportive, a pris le rôle de modèle social.
Il faut donc débusquer le dopage.
Mais, on l'a vu, il faut nier le dopage pour que le spectacle divertisse.
Hommage tout particulier ici aux journalistes sportifs qui ont l'héroïque fonction, au long de leurs reportages passionnés, de dire ce qu'ils ne pensent pas, et de faire comme s'ils ne pensaient pas ce qu'ils pensent.
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