samedi, mai 11, 2024

Que faire ? 2024


 
 
En deçà de nos affairements quotidiens, nous nous soucions d’avoir un avenir comme nous avons un passé. C’est pourquoi nous partageons la même question fondamentale : Que faire ?
Que faire alors que nous sommes sur une trajectoire catastrophique ? Et il faut penser le « nous » ici dans son sens le plus large : c'est l'ensemble de l'humanité. Car il n'y a, du point de vue de l’organisation de la vie sociale, qu'une seule société mondialisée. N'y a-t-il pas la même architecture urbaine, les mêmes centres commerciaux, avec les mêmes enseignes, à Vladivostok ou à Djakarta ?
Que l’humanité soit sur une trajectoire catastrophique, je pense qu'il n'est pas besoin de développer ce point.
Nous sommes constamment témoins des exactions méthodiques, et plus efficaces que jamais, qui exténuent la biosphère du fait de l'ordre social mondialisé actuel. Remarquons qu'aujourd'hui même les grandes multinationales de l'agrobusiness – grainetiers, céréaliers, chimistes – peuvent quand même faire un chantage efficace (quoique imaginaire) sur l'alimentation des populations, par l’intermédiaire d'une infime population d'agriculteurs qu'elles se sont soumises, pour continuer à faire croître leurs affaires qui dévastent ou empoisonnent les biotopes.
 Mais il y a aussi la multiplication des violences guerrières. Nous vivons dans un temps où de nouvelles guerres se développent avec la menace explicite de l’utilisation de l’arme nucléaire. Et, il faut aussi le dire, rien n'est plus ravageur pour la biosphère qu'une guerre moderne ! De quoi ont-ils l'air nos petits pas millimétrés pour réduire notre empreinte carbone face au déferlement d'obus, de bombes, de missiles, etc. à quelques deux mille km d'ici ?
Sans compter – c'est la grande forclusion de l'époque – que s'accumulent les menaces liées à la production inconsidérée de matières radioactives artificielles, dont la plupart sont des déchets d'unités de production d'électricité. Mais peut-on encore appeler "déchets" des matériaux qui resteront dangereux, et devront donc être surveillés par nos descendants pendant des dizaines de milliers d'années, autrement dit, à l'échelle du temps humain, indéfiniment ! ?
Que faire donc aujourd'hui face à ces malheurs qui bouchent notre horizon ?
Il ne s'agit pas de dire que nous ne faisons rien en particulier. Nous sommes innombrables à essayer de faire quelque chose qui aille dans le sens de la construction d'un avenir. Et c'est précieux ! Ce sont les graines d'une végétation à venir !
Mais il leur manque un ciel qui leur donne envie de croître : un espace social qui serait ouvert à ces tentatives.
Ce qu'il faut simplement reconnaître, c'est que, collectivement – soit en tant que société mondiale – nous ne faisons pas ce qu'il faut.
Car c'est la grande différence de notre « Que faire ? » d'aujourd'hui avec le « Que faire ? » de Lénine en 1902 : nous, nous savons très bien ce qu'il faut faire. Et nous le savons même depuis un demi-siècle, depuis le rapport du Club de Rome de 1972 sur la nécessité de limiter la croissance.
Par exemple nous savons très bien qu'il faut interdire les monstrueux paquebots de croisière ; nous savons très bien qu'il faut développer en toute priorité les transports collectifs, tout en évitant les organisations sociales qui impliquent des besoins incessants de déplacements ; nous savons très bien qu'il faut bannir les organisations industrielles qui impliquent une goinfrerie de ressources naturelles, accompagnée de gaspillages systématiques, et produisant une quantité ingérable de déchets, etc... chacun peut abonder sur les choix absurdes de la société mondialisée contemporaine.
Et tout cela, nous savons non seulement pourquoi le faire, mais aussi comment le faire, et nous avons les moyens de le faire ... c'est beaucoup plus simple à faire, moins coûteux, moins dangereux, moins triste, que de faire la guerre !
Quels États décrèteront-ils les "confinements" légers, relatifs, séquentiels, qui permettront à la biosphère de reprendre peu à peu sa respiration, sa beauté, face à l'activisme ravageur actuel de l'humanité – ce qu'on a éprouvé comme possible lors des confinements de 2020 ?
L'imaginaire, c'est d'abord le sens des possibles ! Si c'est cela qui donne sens à leur vie, que l'on octroie aux 1000 affairistes les plus notoires de beaux jeux de "Monopoly", ultra-modernes, numérisés avec 3D, etc. – en les confinant sur une île ! ... et que tout ceux qui voudront les rejoindre les rejoignent. Nous autres les laisserions à cette logique de comportement  – rivalité pour la possession – si commune dans les halte-garderie, et qu'on trouve déjà chez de nombreux mammifères vivant en groupe. Nous aurions alors des réserves d'espoirs perdus à retrouver pour créer une humanité en laquelle les valeurs de vérité, de justice, de fraternité prendraient tout leur sens, en laquelle les manifestations de sa liberté propre seraient un enrichissement du monde, une humanité heureuse et fière de son visage parmi les autres espèces.
Alors pourquoi nous posons-nous quand même la question : Que faire ?
Parce que, collectivement, nous ne l'avons pas fait, nous ne le faisons toujours pas, et que plus nous attendons, moins nous aurons la capacité de le faire !
Qu'est-ce qu'une catastrophe ? C'est un épisode localisé où on ne peut plus faire. Où on est obligé de subir.
Parler d'une perspective d'effondrement, comme le font certains, et je crois qu'ils ont raison de le faire, c'est parler de la venue d'une situation où l'on ne pourra plus rien faire. C'est pour cela que ceux qui glosent sur une adaptation à l'effondrement, divaguent. Si on a une perspective d'effondrement, on fait tout pour l'éviter – point !
Donc notre problème « Que faire ? », aujourd'hui, prend le sens suivant :
« Que faire pour ne plus être impuissant à faire ce qu'il faut faire et qu'on peut faire ? »
Et là, je vous propose une formule que l'on doit à Spinoza :
« Ni pleurer, ni rire, ni maudire, mais comprendre ! »
Cette formule donne le sens de l'essai que je propose : « Démocratie... ou mercatocratie ? »[1]
Cela signifie que cet essai n'est pas dans le pathos d'une énième dénonciation d'un pouvoir malfaisant qui nous serait extérieur. Il est dans l'analyse rationnelle de notre situation collective d'impasse historique afin de la comprendre.
Car qu'est-ce que « comprendre » ? Etymologiquement, c'est « prendre avec soi ».
Et qu'est-ce qu'on « prend » ainsi ? C'est la « cause adéquate » du phénomène que l'on veut comprendre, c'est-à-dire celle qui nous permet à la fois de rendre compte de sa venue et de son caractère propre.
Et le « soi » du prendre-avec-soi, c'est soi-même en tant qu'on est un être humain singulier, c'est-à-dire qui donne un certain sens à sa vie. Autrement dit, comprendre signifie que sa saisie de la cause adéquate doit s'intégrer au sens que l'on donne à sa vie, ce qui amène à agir sur elle (la cause) en ce sens.
Par exemple, nous aimerions bien comprendre pourquoi nous sommes impuissants collectivement alors que nous avons tout ce qu'il faut pour nous redonner un avenir. Mon essai montre que la cause adéquate de cette impuissance est le courtermisme en lequel nous sommes enserrés par les pouvoirs sociaux. Le courtermisme, c'est une façon de vivre le temps qui consiste à rectifier le présent plutôt qu'investir l'avenir. La compréhension par le courtermisme nous amène à vouloir nous réapproprier notre avenir pour retrouver notre puissance d'agir.
Soit ! Mais alors pourquoi sommes-nous pris dans le courtermisme ? Comment comprendre le courtermisme comme phénomène de société ? Le courtermisme est la conséquence d'une organisation sociale qui promeut systématiquement les comportements réactifs. Les comportements réactifs sont les comportements qui sont déterminés par l'émotion plutôt que par la réflexion. On peut montrer qu'ils sont le plus bas degré de la liberté humaine.
Mais, notre besoin de compréhension reste encore inassouvi ! Nous aimerions comprendre pourquoi les humains acceptent massivement de vivre selon un mode dégradé de leur liberté. Ils le peuvent dans la mesure où ils adhèrent à une vision du monde que je qualifie de néo-sophiste, vision du monde constamment mise en avant par les pouvoirs sociaux, et qui appâte les individus avec une perspective de bonheur comme maximisation de sensations bonnes.
Notre démarche nous permet d'ouvrir d'autres chemins de compréhension, telle la dégradation contemporaine du sens de la vérité (cf les « fake news »), les situations d'invraisemblable injustice dans l'accès aux biens, la montée des populismes, etc.
Tous ces chemins de compréhension ramènent à une même cause principale, celle qui éclaire toutes les autres. Cette cause est une forme de pouvoir social qui est inédite au sens où ce pouvoir n'est apparu qu'une seule fois dans l'histoire. Ce fut au début du XIXe siècle, en Occident. Ce n'est donc pas une « démocratie », puisque la démocratie nous vient de l'antiquité grecque. Il faut donc nommer ce pouvoir d'un nom qui lui soit propre pour bien l'identifier – ce qui est la condition pour bien le comprendre. Nous appelons ce pouvoir qui est la cause adéquate de l'impasse actuelle en laquelle se voit piégée l'humanité : une mercatocratie ! C'est-à-dire, étymologiquement, le pouvoir du marché ; cela signifie que l'accroissement du marché – l’extension et l’intensification des flux de marchandises – est la valeur finale en fonction de laquelle on organise la société.
La mercatocratie est un pouvoir qui ne peut se maintenir que par son accroissement. Et c'est un pouvoir, on le sait aujourd'hui, qui n'a pas d'avenir.
Le plus important, ce jour, est de faire en sorte que l’humanité garde un avenir.
La démarche de compréhension de mon livre est vouée à ce but.
C’est pourquoi je vous demande de contribuer à le faire connaître.

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