Même pour le sujets passionnés, on peut être assez fin et lucide pour être capable de renverser son jugement selon la forme et le fond, n'est-ce pas ?
Essayons !
Sur le fond, la loi votée en 2007, même rectifiée par le Conseil Constitutionnel, et qui prescrit l'effectuation de tests ADN pour vérifier la légitimité des demandes d'immigration pour regroupement familial, est détestable. Elle est humiliante en ce qu'elle réduit une réalité culturelle – la famille –, à une réalité naturelle – des caractères génétiques. Et la négation de la dimension culturelle des comportements humains est toujours une insulte à la dignité de l'homme. Traiter la déclaration de liens familiaux par les tests ADN, c'est traiter des hommes comme des bestiaux.
Sur la forme, la déclaration du ministre Besson qu'il n'appliquera pas la loi votée parce que (je cite) "ma thèse c'est que nous n'en n'avons pas besoin" est scandaleuse. Tout simplement parce qu'il s'agit d'une loi votée, adoptée, par les représentants du peuple. Sa thèse n'a plus aucune pertinence. En tant que ministre il n'a qu'une chose à faire : rendre applicable la loi votée ; et si elle pose des problèmes techniques, soit il les résout au moyen des décrets d'application, soit il la renvoie au parlement pour que les députés votent une loi viable.
Ces deux faits – une loi indigne votée par les représentants du peuple et le comportement anti-républicain d'un ministre – bien que contradictoires concrètement, sont liés en profondeur en ce qu'ils expriment le même problème de notre démocratie.
C'est un problème pour la démocratie qu'une telle la loi soit votée, alors qu'elle est en contradiction avec les principes fondateurs de la République, par ailleurs présents dans sa Constitution, sans que le Conseil Constitutionnel la censure dans son principe, et que de surcroît elle provoque un fort mouvement de résistance dans l'opinion.
C'est un problème pour la démocratie qu'un ministre de la République croie si peu au caractère impératif des lois votées par le Parlement, qu'il en rejette une en s'appuyant tout bonnement sur son point de vue – "ma thèse c'est que ..." – se comportant comme si la démocratie était un leurre et qu'il ne faisait qu'opposer son choix à un autre choix particulier. Peut-on être ministre et à ce point désabusé que l'on puisse réduire l'État à un champ d'opposition de points de vue particuliers ?
Il y a effectivement un lien entre le vote d'une loi choquante du point de vue des valeurs fondamentales qui fondent le consensus social et la négligence des règles de la République par le ministre. Mieux, on peut créditer le ministre d'un comportement vertueux en ce qu'il fait barrage à l'application d'une loi scélérate. Mais dans l'histoire sont foulées au pied d'une part les valeurs les plus fondamentales de la société, d'autre part les règles essentielles du fonctionnement de la République.
Pour conclure ne peut-on pas considérer que cette opposition entre la forme et le fond d'une loi n'est possible que s'il n'y a pas démocratie effective ?
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