Le principal problème auquel sont confrontés les hommes est, et a toujours été, la violence.
Par exemple, en nos contrées occidentales, l’homme s’est assez bien sorti des épisodes de violence collective incontrôlable (les guerres) qui ont désolé l’existence de nos aïeux.
Mais il faut quand même dire clairement que, dans les pays occidentaux, depuis un peu plus d’une décennie, nous sommes confrontés à une nouvelle forme de violence qui nous pose un grave problème. Il s’agit d‘actes individuels extrêmement violents sur personnes vulnérables, perpétrés pour des motifs pulsionnels, et qui ne sont plus exceptionnels. Il n’y a plus de mois, en France, sans nouvelle victime d’un crime qui relève de cette violence : une joggeuse, une fillette un moment isolée, une adolescente qui s’est laissée entraîner dans la nature, etc. Ce pur rapport de force du fort sur le faible, qui court-circuite toute règle culturelle comme toute compassion humaine, doit être désigné, me semble-t-il, comme symptôme d’une barbarie contemporaine.
Ce phénomène pose dès à présent un problème de liberté publique puisque des secteurs entiers de la population perdent leur liberté de circuler un peu loin de leurs proches ou dans des endroits un peu isolés. La confiance en autrui inconnu et le droit collectif incontesté à la protection du vulnérable, autant de caractères qui font la solidité d’un tissu social, sont ici remis en cause.
Il est vain de vouloir s’accrocher à l’interprétation de la répétition de ces actes comme un mauvais hasard. C’est aussi un problème culturel : un problème qui a à voir avec les valeurs régnantes dans notre société mercatocratique (mise en forme par le pouvoir marchand) – individualisme et priorité au plaisir –, comme avec son mode de fonctionnement – insuffisante présence des adultes (remplacés par des écrans) pour accompagner le processus éducatif des enfants. J’avais écrit sur ce problème, il y a une dizaine d’années, un article – À propos d'une nouvelle forme de violence – que l’on peut consulter pour une analyse plus précise.
Quoique chaque cas de cette violence barbare puisse être considéré comme l’expression d’une psychopathologie, c’est quand même un problème social alarmant que le passage du désir à l’acte atroce puisse se faire si fréquemment. Je remarque que ce problème social est soigneusement écarté par les discours publics.
Pourtant le peuple est mécontent, et c’est légitime. Il vit une insécurité sournoise, et il sent bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Face à ce mécontentement, on lui désigne, comme objet à sa vindicte, l’institution de Justice, comme on l’a fait dans les plus hautes sphères du pouvoir d’État, et comme le fait aujourd’hui un certain « Institut pour la Justice ».
Cette attitude – s’en prendre globalement à l’institution de Justice – n’a pas de sens et est extrêmement dangereuse.
Il est en effet absurde de dire, comme le fait cet « Institut pour la Justice » que les magistrats protègent les délinquants. Pourquoi ? En vérité, ces fonctionnaires font un travail fort difficile, avec des moyens insuffisants, trop vite parce que l’institution est embouteillée, avec un cadre juridique complexe et peu cohérent (on empile les lois), et en devant répondre à des injonctions sociales contradictoires (protéger les gens, ne pas incarcérer trop vite, penser la réinsertion, etc.) Et ils prennent malgré tout le plus souvent les bonnes décisions, celles qui sauvegardent le mieux l’ordre social.
En effet, il est extrêmement dangereux de dénigrer en tant que telle l’institution de Justice parce qu’elle est l’institution la plus fondamentale, la plus vitale, d’une société. Tout le reste, tous les autres aspects de notre vie en commun, repose sur la confiance collective dans la Justice. Car c’est grâce au crédit qu’on accorde à la Justice que la société ne s’embrase pas du fait des actes individuels violents qui peuvent survenir. La Justice, en effet, peut alors remplir efficacement sa fonction qui est de clore définitivement, par sa décision, le litige social, en se substituant au cycle sans fin de la vengeance – la vengeance, parce qu’elle est mue par l’émotion, n’est jamais la réponse appropriée au dommage subi ; du coup, elle reconduit le sentiment d'injustice sur la partie adverse et alimente le recours à une vengeance réciproque, et ainsi de suite...
C’est pour cela qu’on accompagne les audiences de justice de tous ces apparats, et de toute cette solennité… et que l’on punit la remise en cause de la chose jugée.
Il faut interpréter la dureté des attaques que subit aujourd’hui la Justice comme le désir de faire prévaloir, par certains groupes de citoyens, la logique de la vengeance contre celle de la Justice ; l’appel à l’émotion suscite le désir de vengeance, alors que la Justice fait appel à la raison pour examiner les faits, situer les responsabilités et leur appliquer la loi.
Non la Justice ne doit pas venger les victimes, elle doit réparer l’accroc fait par le crime dans le tissu social ! Et c’est là l’essentiel !
Il faut toujours respecter la Justice, et la défendre contre ceux qui l’attaquent globalement – surtout si l’on a des hautes responsabilités politiques.
Pour autant, respecter la Justice ce n’est pas renoncer à toute critique des décisions des magistrats. Respecter la Justice, c’est ne les critiquer que dans le cadre de la loi (procédures de recours) – ce qui est bien renforcer la Justice, puisque celle-ci doit imposer la loi.
Notre besoin de justice face à ces actes barbares doit nous amener à soutenir la Justice comme institution. Pour cela, il faut d’abord lui donner les moyens nécessaires pour être à la hauteur de ses taches, mais aussi faire les bonnes lois tout en rendant le Code Pénal lisible. Ensuite, il faut discuter entre nous tous sur les valeurs en fonction desquelles on veut vivre ensemble pour qu’elles ne laissent pas de possibilités à la barbarie. Par exemple : cet idéal, purement individualiste, d’une vie de plaisirs et de bien-être, promu par le système marchand et les médias qui le servent, est-il vraiment humain ?
A considérer le dernier paragraphe la justice telle qu'elle fonctionne mérite fort peu de respect, au mieux un peu de pitié pour ses victimes, et ça ne s'arrange guère.
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