Se rend-on compte combien est hors-sol l’institution par le
président Macron d’une « Convention citoyenne pour le climat » – et
même, comme il l’a dit, « pour la transition écologique » ?
Car une convention citoyenne a vocation à anticiper l’avenir et non
à réparer le présent en situation d’urgence.
Car une convention citoyenne a vocation à examiner l’intérêt pour le
Bien commun d’une possibilité de choix technique précise qui
impacterait l’avenir, et non l’orientation de la politique des
gouvernements à venir du pays.
Le président assigne à la Convention citoyenne de proposer des lois
qui permettront de « réduire les émissions de gaz à effet de serre
d’au moins 40 % d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ».
Qui peut croire une seconde que les 150 citoyens tirés au sort vont
déterminer la politique de la France pour la prochaine décennie ? Qui
peut croire une seconde que le Président, le Gouvernement, les
Assemblées législatives, vont effacer significativement de leur pouvoir
pour faire droit aux propositions des 150 conventionnels ?
Tout citoyen a quelques idées de ce qu’il faut faire immédiatement
pour parer au dérèglement climatique. Faut-il les rappeler ? Taxer les
émissions carbone, interdire toute nouvelle exploitation d’énergie
fossile, investir pour la reconversion des industries énergivores et
polluantes, investir pour l’agriculture biologique, réorienter
l’aménagement de l’espace en faveur des transports en commun et des
circuits courts d’échanges de marchandises, instaurer des normes
exigeantes de durabilité des objets techniques et de recyclage des
déchets, etc.
C’est ce qui va sortir, peu ou prou, de la Convention citoyenne en
question, après le long mois de discussions et beaucoup d’argent public
dépensé.
Et après restera le même et lancinant problème, le véritable
problème de l’épisode historique actuel. Où trouver la volonté
politique, le courage de responsables élus, de contraindre, par la loi
et les sanctions qui l‘imposent, les grands affairistes de se soumettre
au Bien commun ?
Or, que fait à cet égard notre exécutif ayant institué la Convention
citoyenne pour le climat ? Il laisse filer les exactions qui aggravent
la dérive climatique. Il demeure avenant aux désirs des affairistes :
il supprime l’impôt sur la fortune portant sur les actifs financiers,
il fait la roue pour attirer les investissements en France des majors
de l’industrie high-tec et du e-business, il s’affranchit sans vergogne
des engagements antérieurs de l’État sur la réduction des émissions de
CO2, sur la réduction
de l’usage des pesticides de synthèse, sur le gel de la progression du
bétonnage des surfaces végétales.
Si le pouvoir est sérieux dans sa demande à une Convention citoyenne
de mesures qui puissent réorienter l’activité économique dans un sens
viable pour notre descendance, qu’au moins il bloque d’emblée toutes
les entreprises qui d’évidence sont délétères pour l’avenir !
Comme tout indique que nos dirigeants ne sont pas sérieux dans
leur demande de propositions à une Convention citoyenne, on est porté à
penser qu’il puisse s’agir d’une manœuvre dilatoire pour donner un os à
ronger à l’impatience écologiste de la grande majorité des citoyens.
Il n’est pas exclu que cette manœuvre soit prolongée en une
proposition de référendum où l’on essaierait de payer de mots les
citoyens sous forme de modification de la Constitution. Va-t-on insérer
« l’urgence climatique » dans le texte fondamental ? En tous
cas ce serait l’ouverture d’une nouvelle période de débat, sans enjeu
véritable concernant sa conclusion, et qui ne ferait guère avancer la
solution du problème de la détérioration écologique de la situation de
l’homme dans la biosphère.
Car il est bien des principes inscrits dans la Constitution qui,
tout sacrés qu’ils soient, sont enjambés régulièrement par nos
gouvernants. Rappelons en particulier la « Charte de
l’environnement » qui, annexée à notre Constitution, est censée
définir, depuis 2004, le cadre de l’action publique en matière
d’environnement avec force d’obligation. Il est édifiant de confronter
ses premiers articles aux pratiques gouvernementales :
ARTICLE 1er. Chacun a le droit
de vivre dans un environnement
équilibré et respectueux de la santé.
ARTICLE 2. Toute personne
a le devoir de prendre part à
la préservation et à l'amélioration de
l'environnement.
ARTICLE 3. Toute personne doit, dans les
conditions définies par la loi, prévenir les atteintes
qu'elle est susceptible de porter à
l'environnement ou, à défaut, en limiter
les conséquences.
ARTICLE 4. Toute personne doit contribuer à
la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les
conditions définies par la loi.
ARTICLE 5. Lorsque la réalisation d'un
dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances
scientifiques, pourrait affecter de
manière grave et irréversible
l'environnement, les autorités publiques
veillent, par application du principe de
précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre
de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures
provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
ARTICLE 6. Les politiques
publiques doivent promouvoir un
développement durable. A cet
effet, elles concilient
la protection et la
mise en valeur de l'environnement,
le développement économique et le progrès social.
ARTICLE 7. Toute personne
a le droit, dans les conditions
et les limites définies par la
loi, d'accéder aux informations relatives
à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions
publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Peut-on se résoudre à ce que ce ne soit que des mots ?
Ainsi, indépendamment des approximations dans l’organisation de cette consultation d’un panel de citoyens,
indépendamment du sérieux de l’investissement pour le Bien commun de
ceux-ci, cette institution à contre-emploi d’une Convention citoyenne
pour le climat à toutes chances d’être jugée finalement par l’Histoire
comme un leurre qui aura différé de manière irrémédiablement
dommageable le temps de la prise des décisions appropriées.
Pourtant la procédure de la convention de citoyens doit être prise en
considération car elle est une des formes de vie sociale qui peuvent
être vectrices d’une reviviscence de la démocratie.
La convention de citoyens est une modalité récemment apparue – elle
a d’abord été conçue et pratiquée au Danemark dans les années 80 – de
participation des citoyens aux décisions publiques qui se veut être la
réponse au défi démocratique posé par la rapide évolution des sciences
et des techniques. L’avènement de l’énergie atomique, de
l’informatique, du génie génétique, de la procréation artificielle, des
nanotechnologies, etc. implique des choix techniques qui peuvent avoir
un impact significatif sur l’avenir de la société. Dans le système
institutionnel présent, ces choix sont en général faits entre experts
et politiques, hors du regard des citoyens, ceux-ci étant considérés
comme ignares et prédisposés à être la proie de fantasmes. Mais on peut
aussi soupçonner que les problèmes posés par les choix techniques
antérieurs, ne serait-ce que les profonds dommages écologiques
occasionnés ces dernières décennies par les activités humaines, ne
soient pas sans rapport avec cette absence de démocratie concernant
l’usage des sciences et techniques.
C’est justement ce à quoi veut remédier le projet de conventions de
citoyens. Il s’agit d’impliquer un certain nombre de citoyens,
volontaires et tirés au sort, formant un groupe représentatif de la
société, à acquérir un savoir suffisant sur les techniques en cause
pour organiser un débat public et les auditions qu’il jugera
nécessaire, afin d’aboutir à un consensus sur des recommandations
d’actions à adresser au législateur. Le Parlement a le devoir de les
prendre en considération, et s’il les rejette, de motiver sa décision.
Il faut signaler au président Macron qu’il y a bien des questions
qui se posent aux citoyens et qui mériteraient la sollicitation de
conventions citoyennes, comme par exemple :
– Faut-il
développer un réseau 5G de communication ?
– Dans
quelle mesure faut-il développer et légaliser les différentes
techniques de Procréation Médicalement Assistée ?
– Que
faire des déchets radioactifs nucléaires longue durée ?
– Dans
quelle mesure l’euthanasie peut-elle être légitime ?
– Jusqu’où
aller dans l’application de techniques nouvelles de réparation du corps
pour différer la mort par le vieillissement ?
Les conventions citoyennes ne sont pas la démocratie. Mais elles
sont des îlots précieux de démocratie en ce qu’elles évitent à une
société de se précipiter à l’aveugle dans une technologie nouvelle, sur
incitation de ses propagandistes intéressés.
Elles doivent être aussi revendiquées parce qu’elles sont un
dispositif qui donne les bonnes conditions à des gens du peuple pour
examiner et discuter un problème de possibilité technique qui se pose à
la société. Elles permettent ainsi de mettre en valeur l’engagement
populaire pour le Bien commun, son désir de savoir, et la sagesse de
ses propositions, dans la mesure où on lui en laisse la disponibilité et
le temps.
Bref, les conventions citoyennes donnent l’exemple de ce que peut
être une véritable vie démocratique. Elles réveillent le désir qu’elle
ne soit plus réservée à quelques-uns tirés au sort, mais devienne la
vie de tous les citoyens.
Je suis en accord avec cet article.
RépondreSupprimerL'usage approprié et respectueux du principe des conventions citoyennes est certainement une des bonnes démarches démocratiques pour développer la conscience, l'intelligence, la créativité et la responsabilité collective et instaurer des passerelles actives entre gouvernants et gouvernés. A condition que cet outil ne soit pas utilisé comme un leurre; une sorte de pommade citoyenne destinée à faire croire qu'on se préoccupe d'apaiser les inflammations sociales, pendant que de toute évidence les desseins contraires se poursuivent, inexorablement.
Vous restituez l'essentiel de mon article avec une grande justesse. Je vous en remercie !
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