mardi, avril 07, 2020

Chroniques déconfinées 1 — De l’huile dans la semoule


–  L’anti-somnambulique (a-s) : Comment vas-tu ce matin, mardi 17 mars 2020, en te retrouvant dans une situation extraordinaire ? Tu es confiné dans ton logement, avec des règles strictes pour t’attribuer une dérogation de sortie, et avec la menace de sanctions !
–  L’interlocuteur : Oui, il paraît que c’est nécessaire. Je vais m’adapter, on va s’adapter. Nous n’allons pas nous revoir pendant un certain temps, peut-être assez long. On ne sait pas. Cela veut dire qu’on est obligé de suspendre tous ses projets. C’est cet aspect indéfini qui est peut-être le plus difficile à vivre. En tous cas, de la part du pouvoir, cela a un côté mal assumé : Macron, hier soir, a soigneusement évité de prononcer le mot « confinement ».
–  (a-s) : Oui ! On comprend que cette instauration d’un confinement strict dans tout le pays soit mal assumé par nos gouvernants. Rappelons-nous, il y a seulement un mois, alors que l’épidémie était déjà arrivée en France, et qu’il y avait eu le premier mort, on a demandé à la ministre de la santé Agnès Buzyn, alors qu’elle était compétente et pleinement investie dans la lutte contre l’épidémie, de quitter son ministère pour être candidate à la mairie de Paris. Pourquoi ? Pour de toutes petites raisons de cuisine politicienne déjà bien oubliées ! L’intéressée elle-même les a d’ailleurs dénoncées peu après. Quelle insoutenable légèreté, quand on compare au ton dramatique et martial des deux dernières adresses de Macron au pays !
–  Tu as raison ! Il ne faut pas oublier l’ensemble de la séquence. À quoi s’ajoute la surdité aux alertes des soignants sur le manque de moyens dans les hôpitaux. Et maintenant on se retrouve dans l’urgence d’une de crise sanitaire qu’on risque de ne pas contrôler, avec l’obligation qui nous est faite de renoncer à notre liberté fondamentale de déplacement …
–  (a-s) : Oui, ces circonstances paraissent rendre difficile d’avoir de la bonne volonté pour se plier au confinement. Or, il ne faut surtout pas un confinement avec mauvaise volonté ! Ce serait désastreux en termes de mortalité et de vécu moral : il faudrait laisser mourir des gens faute de moyens de les soigner. Nous devons partir de la situation telle qu’elle est. Et elle nous met dans une logique – celle de la pandémie – à laquelle nous ne pouvons pas échapper. Imagine l’humanité comme de la graine de semoule dans un plat. Suppose que tu y introduises le coronavirus sous forme d’une goutte d’huile que tu laisses tomber dessus. Tant que tu ne mélanges pas la semoule, la contamination par l’huile restera très localisée. Si tu tournes une fois la cuillère dans la semoule, la contamination s’étendra largement, mais s’arrêtera là. Si tu continues de tourner, l’ensemble des grains de semoule seront bientôt contaminés. Mais ce qu’il est important de comprendre, c’est que plus tu tournes vite, plus la contamination se diffuse rapidement. Donc le seul moyen de contrôler l’épidémie …
–  Oui, j’ai compris : le seul moyen de stopper la pandémie, c’est que plus personne ne sorte de chez soi ! C’est impossible !
–  (a-s) : On est bien d’accord ! Donc , je reprends : le seul moyen de contrôler la pandémie c’est de limiter au maximum les déplacements hors de leur habitation des humains. C’est-à-dire d’identifier les motifs de déplacements absolument nécessaires et de proscrire les autres – ce qui semble être la démarche du gouvernement.
–  C’est comme tourner le plus doucement possible la cuillère dans le plat de semoule !
–  (a-s) : Exactement ! Ça ne stoppera pas la pandémie, mais ça limitera le nombre de nouveaux contaminés par unité de temps. Ce qui donnera au système sanitaire d’être en capacité de s’occuper de chaque nouveau infecté covid-19 en état de crise pulmonaire aiguë avec le minimum de mortalité.
–  Oui, je comprends. Et ainsi l’épidémie suivra son cours passant par un sommet, puis décroissant au fur et à mesure que l’immunité acquise ralentira ses possibilités d’extension.
–  (a-s) : Effectivement ! Et sans doute trouvera-t-on bientôt un vaccin ou une thérapie efficace, ce qui permettra de prévenir le retour du virus, du moins sous forme épidémique.
–  Donc prenons notre mal en patience !
–  (a-s) : Oui ! On le peut d’autant mieux que l’on a conscience qu’en se confinant strictement on ne se plie pas aux exigences d’un gouvernement dont la légitimité, au moins morale, est discutable. On se plie à l’implacable nécessité naturelle.
–  Oui, mais cette nécessité naturelle, qui est la logique d’une pandémie, a bien été déclenchée par les errements humains dans la façon de traiter l’environnement naturel !
–  (a-s) : Tu as raison. D’ailleurs, à propos de notre environnement, as-tu remarqué combien le printemps est beau cette année ?
–  C’est vrai ! Il y a comme une sérénité dans l’air … comme je ne l’avais jamais ressenti !
–  (a-s) : Ce qui donne au confinement une toute autre perspective. De cela, il faut absolument que nous reparlions !
–  À très bientôt alors !

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